• Qui est l’autre, peut-on le connaître, s’entendre et communiquer avec lui ?

  • Commentaires

    1
    Marie Odile
    Dimanche 16 Octobre 2022 à 14:14

    Comme je l'ai dit hier au débat, l'approche scientifique de la différence homme/femme à partir des différences des cerveaux me paraît gravement erronée. La place donnée à Yvon Dallaire, qui n'est pas un neuroscientifique, est plus que contestable. Et à mon avis cette question n'a que bien peu à voir avec le sujet.

    L'état de la science aujourd'hui est qu'il y a plus de différences d'un cerveau à l'autre qu'entre ceux d'un homme et d'une femme, et qu'un expert (un vrai!) en face des images d'un cerveau ne sait pas quel est son genre. En revanche, statistiquement, on peut observer quelques différences entre mille cerveaux d'hommes et 1000 cerveaux de femmes, sans savoir si ces différences sont de nature biologique ou acquises par l'éducation et la culture.

    Il n'empêche que la question de l'altérité se pose évidemment, comme entre deux êtres humains, avec la coloration particulière des relations hommes-femmes, qui de plus est différente dans chaque société. Et c'est justement cette altérité qui est à la source du  sentiment amoureux, l'une des plus belles expériences humaines.

    Heureusement, le débat ne s'est pas focalisé sur ce point. Merci à Daniel pour cet intéressant sujet.

    2
    Pierre M.
    Dimanche 16 Octobre 2022 à 17:02

    La question me semble plus compliquée que ne le présente Daniel et nécessiterait de nombreux commentaires. On peut se limiter à évoquer deux points :

    - l’existence et la définition de l’Autre ;

    - le sexisme de certains scientifiques.

     

    I Définition de l’Autre

    On peut se poser quatre questions successives (sous forme d’organigramme logique)

    1 Le Moi existe-il ?

    - Réponse des bouddhistes : c’est une illusion qu’il faut arriver à dissiper (cela ne garantit pas leur bon comportement à l’égard d’autrui : voir Birmanie actuelle)

    - Réponse de Descartes : je pense donc je suis.

    Si la  réponse est oui, alors :

     

    2. L’autre existe-t-il ?

    - Bouddhistes : illusion, rêve éveillé. Le monde observé serait créé par notre conscient, comme les rêves par notre inconscient. Ce monde où je vis disparaitra avec ma disparition.

    - Réponse de Descartes : l’autre est objectivé (cogitatum du cogito) ?

    - Réponse de Husserl : c’est en moi que je connais l’autre par un acte intentionnel de la conscience.

    - Réponse de Lévinas : au contraire, l’autre a un sens avant qu’on ne le lui donne.

    Si la réponse est : oui l’autre existe d’une manière ou d’une autre, alors :

     

    3. Pourquoi s’entendre et communiquer avec l’autre ?

    - Réponse de Stirner (« l’Unique et sa propriété ») : aucun intérêt, l’individu est la valeur suprême qui doit s’approprier tout ce qui est en son pouvoir – d’où sa critique de tous les pouvoirs établis (organisations, institutions, Etat, armée, religion...).

    - Réponse de Kant (« Critique de la faculté de juger ») : l’intersubjectivité. Tous les êtres humains sont des êtres pensants capables de prendre en considération la pensée d'autrui dans leur jugement propre. Etant une « fin en soi » l’Autre doit être considéré comme une personne et non une chose. Il est donc objet de respect.

    Si l’on est d’accord, alors :

     

    Comment ?

     - Réponse de Max Scheler : la sympathie (mais ce n’est pas évident pour tous et  toute situation).

    - Réponse de Sartre : impossible, car autrui est un « moi qui n’est pas moi » dont le regard peut être une violence pour moi (exemple de la honte : je me vois dans le regard de l’autre ; l’enfer c’est les autres).

    - Réponse de Lévinas : on se reconnait dans le visage de l’autre.

    - Réponse de Paul Ricœur : la sollicitude  = l’élan de soi vers l’autre, la réciprocité qui engendre l’estime de soi.

     

    Finalement Sartre est sans doute le plus proche de la réalité (cf. le conflit en Ukraine : les Russes voient les Ukrainiens comme nazis, qui eux voient les Russes en barbares)

     

    Ce n’est donc pas simple de connaître et de communiquer avec l’autre.

     

     

    II Approche scientifique

    Les hommes seraient donc cerveau gauche, les femmes cerveau droit ? Et les transgenres ? Cerveau du milieu ? Je ne plaisante pas : on aurait trouvé des particularités dans le cerveau de ceux-ci !

    S’il est bien montré que la symétrie anatomique du cerveau s’accompagne d’une  asymétrie fonctionnelle, il ne faudrait pas tirer de ce constat un jugement de valeur. Le partage des tâches n’implique pas une hiérarchie. Et bien d’autres paramètres interviennent dans le déterminisme de la constitution de l’être humain.

    Deux contre-exemples parmi d’autres :

    - les deux tennismen américains, jumeaux monozygotes, les frères Bryan, dont l’un était gaucher et l’autre droitier ;

    - les filles deviennent majoritaires dans les écoles d’ingénieurs et souvent les meilleures (à l’Agro en tout cas).

     

    Cette discrimination sexiste fait le beau jeu des magazines people et de toute une génération de spécialistes autoproclamés en matière de tests, de coaching,  en développement personnel, etc.

    A titre d’exemple voici l’exemple bien connu de la danseuse qui permettrait de déterminer si nous avons un cerveau gauche ou un cerveau droit, selon le sens où on la voit tourner (voir par exemple https://www.terrynangy.fr/test-danseuse/)

    L’ennui est que selon les jours, selon le degré d’attention, on ne la verra pas toujours tourner dans le même sens !

    Ce type de discrimination  est fondé sur de vieilles conceptions qui datent des premiers travaux sur le cerveau au dix-neuvième siècle (Broca) et de pratiques encore plus anciennes comme la phrénologie, qui déterminait les capacités des individus d’après la forme de leur crane (la fameuse « bosse des maths »).

     

    A noter que, selon Wikipédia, ce sexologue, psychologue canadien, Yvon Dallaire  serait un militant hoministe (ou masculiniste) : la science au service d’idéologie, ce n’est pas récent (QI au service de théories racistes).

     

    III Autres considérations

    Il y aurait bien d’autres choses à débattre par exemple sur les modalités de la prise de conscience de soi et des autres, sur l’effet des différences interculturelles et interpersonnelles, du contexte économique et social, sur le les chaînons de la connaissance et en particulier des médias (je ne connais pas Poutine, mais on me dit qu’il est comme-ci ou comme-ça), etc.

    Je pense que tout cela a pu être abordé en séance.

     

    3
    Daniel
    Mardi 18 Octobre 2022 à 14:18

    discipliné que je suis j'attendais le CR de Benoît pour faire des commentaires au débat de samedi, mais puisque les commentaires ont démarrés, voici mes commentaires:

    1/ Pour information, samedi, l'objet du débat était formulé dans l'accroche:

    Existe-t-il une réelle différence de rationalité et d’émotivité entre les individus ? Ou ne sont-ce que deux caractéristiques également partagées entre tous les humains? Quelles difficultés rencontrées lors des interactions entre les esprits logiques rationnels et les esprits hypersensibles ?

    Pour répondre à la problématique et à l’objet du débat, mon texte de deux pages présenté au café débat, et une troisième en annexe disponibles sur le blog, est décomposé en trois approches : Philosophique, Scientifique, Psychologique.

    Ma perception sur le déroulement du café débat: Dès les premières interventions, l'aspect hypersensible émotionnel a orienté le débat, au regard de la référence faite au professeur Yvon Dallaire qualifié de sexiste, sans avoir discuté des caractéristiques de ces profils, ceci déclenché par la distinction que j'ai formalisée des différences de fonctionnalités des cerveaux femmes / hommes, dans le corps du texte, et détaillées dans une annexe mise sur le blog à la fin du texte. A ce propos, il semblerait que seul le Professeur Dallaire qui a déclenché ces offensives a été consulté, alors que le lien Serge Ginger, comportant un tableau comparatif H/F n’a pas été évoqué, notamment les femmes très sensibles aux inflexions de voix des hommes.

    L'aspect philosophique a été apprécié, l'aspect scientifique a été critiqué, l'aspect psychologique a été peu abordé, les difficultés rencontrées entre les esprits logiques rationnels et les esprits hypersensibles n’ont pas été abordées, pourtant c’était le cœur du débat.

    Je pense que le sujet des émotions n’a pas été abordé autant qu’il aurait du.

    Il a fallu que je rappelle l'objet du débat ci dessus, mais le naturel revient facilement, je pense que le déroulement du débat a mis en évidence le déséquilibre entre les deux profils mentionnés même si pas abordé, conduisant au constat que la communication est difficile, d'autant que les réseaux sociaux, échanges à distances amplifient cette difficulté.

    Sujet difficile, qui mérite de mon point de vue d'être abordé, puisqu’essentiel à la Vie.

    2/ Pour mémoire j’ai lu en conclusion à la fin du débat le 15/10/2022 :

    « Nos pensées ne sont pas des vérités, elles ne sont qu’une façon de percevoir les choses. Si nous pouvions tous avoir conscience de cela, nous accepterions davantage les personnes qui ne pensent pas comme nous. »

    Ceci confirme l’intérêt de se pencher  sur le sujet de la communication.

    A noter, qu’un café débat me permet de découvrir en partie la pensée de l’autre.

    3/  Nota : Bien que cité en séance, le qualificatif de ‘Zèbre’, n’a pas été approfondi, c’est le qualificatif que l’on donne aux surdoués, qui ont un traitement ultra rapide des informations,  qui ne voient la vie telle qu’ils voudraient qu’elle soi, et non comme elle est, remettent tout en cause en permanence, difficiles à vivre avec eux-mêmes et avec leurs entourages.

    4
    Daniel
    Mardi 18 Octobre 2022 à 14:20

    Pour indication, “La nature de mon corps me renvoie à l'existence d'autrui et à mon être-pour-autrui. Je découvre avec lui, un autre mode d'existence aussi fondamental que l'être-pour-soi et que je nommerai être-pour-autrui” (L'Etre et le Néant de JP .Sartre).

    « Et c'est le sentiment de la honte qui fait surgir autrui dans le monde. La honte est conscience de honte. Sartre donne l'exemple du voyeur espionnant par le trou de serrure. Tout entier dans son action, le sujet ne réalise pas son geste, il ne conscientise pas. Or, d'un coup, sans comprendre pourquoi, il devient conscience honteuse car il imagine quelqu'un qui le voit. Autrui le force* à se voir tel qu'il est » .

    La honte est honte devant quelqu'un … Autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même : j'ai honte de moi tel que j'apparais à autruiL'Etre et le Néant ).

    Ce qui me conduit à émettre des commentaires, par rapport aux remarques entendues en séances samedi, notamment celle qui a été formulée sous forme de désaccord sur la phrase du texte proposé « je vais être un médiateur parce que je force l’autre à se reconnaître tel qu’il ne veut se voir ».

    *Cette phrase est donc issue en partie du texte de JP Sartre. On peut constater que la formulation de Sartre écrivain et philosophe n’est pas dénuée de sens, puisque, dans le domaine de la psychologie, la maïeutique (voir chapitre de nos jours) utilisée pour faire exprimer un savoir caché en soi, englobe un ensemble de questionnements, visant à permettre à une personne une mise en mots de ce qu’elle a du mal à prendre conscience (émotions, désirs, envies, motivations), utilisée notamment dans les techniques de médiation, et d’écoute active.

    Il y a même des psychologues qui mentionnent ‘S'appuyant sur la fameuse Maïeutique de Socrate, la psychologie maïeutique est une méthode qui vise la « Provocation mentale pour obtenir un accouchement émotionnel », qui est aux bases de la psychanalyse moderne.        

    2/ Quant aux critiques formulées envers Yvon Dallaire qualifié de soi disant sexiste, cherchant à objectiver le débat de samedi, je signale que différents propos mis dans le texte débattus ne sont pas issus uniquement du chercheur Dallaire, il y a des propos issus de chercheuses de Pennsylvanie, qui je l'espère ne sont pas considérées comme sexistes.

    Je peux mentionner qu’une partie de mon texte, dans les chapitres Approche Scientifique et Approche psychologique s’est appuyée, notamment sur Yvon Dallaire, Serge Ginger dont on peu voir un tableau comparatif Homme / Femme, et sur Ragini Verma, Ruben Gur qui ont fait des Recherches à l’aide d’un scanner, ce dernier lien est indiqué en annexe sur le blog. 

    5
    Pierre M.
    Mercredi 19 Octobre 2022 à 10:59

    Ce n’est pas parce que deux scientifiques (même trois, quatre, etc.) exposent le même point de vue que celui-ci est avéré. Ceci dit sans mettre en cause leurs compétences. L’histoire des sciences fourmille d’exemples de chercheurs de talent  qui ont défendu des thèses qui se sont avérées inexactes.

    Contrairement à que certains pourraient penser le milieu scientifique est un champ de bataille où s’affrontent, souvent durement, des protagonistes, persuadés que leur thèse est la meilleure. Et qui, parfois démentis par les faits, s’entêtent à défendre un point de vue qui a fait leur carrière ou leur réputation. L’exemple emblématique est la « découverte » d’un soi-disant rayon N par Blondlot, un brillant physicien français.

    Plus récemment on se souvient de l’affaire de la « mémoire de l’eau » lancée par un médecin et biologiste, dont la carrière semblait très prometteuse, Jacques Benveniste. L’interprétation de ses expériences a été contestée par la plupart de ses pairs, mais il s’est acharné dans cette voie. Soutenu récemment par Luc Montagnier, prix Nobel de médecine.

    Plus récent, on pourrait également citer le cas du biologiste Gilles-Eric Séralini, qui aurait démontré la nocivité des OGM par des expériences sur les rats. Expériences dont les protocoles et les résultats ont été contestés par l’immense majorité de ses pairs. Plus sérieuse est la contestation des OGM par des économistes comme Jean-Pierre Berlan, ancien Directeur de recherche à l’INRA.

     

    Il y a deux conclusions à tirer de ces affaires. La première est qu’un scientifique, convaincu d’avoir suivi une mauvaise piste (ou d’avoir fraudé, ce qui arrive plus souvent qu’on ne croit) admettra difficilement que ce sur quoi il a bâti sa carrière a été une erreur. La seconde est qu’un chercheur peut être aussi un militant, anti-OGM ou sexiste, ce qui inévitablement le pousse à introduire des biais dans son appréciation des faits ou dans la conduite de ses actions. Et ce n’est pas à nous, ignorants, d’arbitrer entre les thèses.

     

    Dans le cas présent le dénommé Yvon Dallaire est un militant de la cause des mâles Et il ne s’en cache pas. Sur le fond, la différence fonctionnelle de l’encéphale des hommes et des femmes, a-t-il tort, a-t-il raison ? Il ne nous appartient pas d’en juger.

    Par contre nous n’avons pas le droit de présenter comme certitude ce qui n’est qu’une thèse non unanimement reconnue.

    6
    Pierre M.
    Mercredi 19 Octobre 2022 à 14:39

    J’oubliais de mentionner qu’il faudrait savoir quels ont été les protocoles expérimentaux qui ont conduit à de telles conclusions sur l’inégalité de la structuration du cerveau entre hommes et femmes. Je n’ai pas la compétence pour en juger.

    Si l’on considère par exemple l’âge ou le milieu culturel et social des sujets étudiés, il faut se souvenir de l’extraordinaire plasticité du cerveau : tout au long de la vie, pour un stock de neurones donné, des connections se font, se défont, se transforment. Et ce, en fonction des apprentissages et des expériences des individus.

    Les modalités d’apprentissage des filles et des garçons ont longtemps été différents, ce qui peut expliquer les différences d’aptitudes et donc d’organisation cérébrale : les filles sont généralement plus douées que les garçons dans l’art du ravaudage ou du tricot !

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :