• C.R.personnel du 10 Avril 2021 Douter, remettre en question serait-il devenu un affront,

     

    CR personnel du débat du 10 Avril 2021: Douter, remettre en question serait-il devenu un affront, un abus, un acte complotiste ?

     Le débat a duré 2 heures et a rassemblé jusqu’ 12 personnes. Les différentes interventions ont été classées par thèmes et résumées.

     Quelques brèves définitions

     Complot. Action menée en commun et secrètement dans un but précis (pouvoir, argent) qui vise des personnes (Conspiration. Complot visant un Etat, un gouvernement…).

     Comploteur. Quelqu’un qui prend part à un complot

     Complotiste. Quelqu’un qui voit des complots en tout, dictés par la peur, la jalousie, l’envie.

     

    Registre du ressenti

     Le complotisme est un mot à la mode qui cherche à décrédibiliser celui qui ne pense pas comme les autres. « On fait l’amalgame entre ceux qui posent des questions et ceux qui pensent que la Terre est plate ». Ce mot a été reconnu comme insultant car, au-delà de l’action,il juge la personne qui se sent rejetée, humiliée, décrédibilisée, ostracisée.

     Le complotisme a été comparé aux lanceurs d’alerte:comme eux, les complotistes sont minoritaires et peuvent se sentir victimes. Mais les lanceurs d’alerte sont très utiles, à ne surtout pas mettre dans le même sac.

     

    Le complotisme, pourquoi ce mot est-il de plus en plus utilisé ?

     Qu’est-ce qui autorise à dire que quelqu’un est complotiste ? Traiter les gens de complotistes a pour résultat de diviser la société, inspirer la guerre de tous contre tous.

     Il y a des idées dominantes, la « doxa ». Des complots qui dérangent l’ordre existant, qui peuvent déranger la doxa, ce n’est pas plus mal ! Cela contribue à nous remettre en question… Exemple : Galilée.On a longtemps pensé que plus lourd que l’air ne pouvait pas voler.La doxa n’est donc pas toujours la vérité ! Sur l’incendie de Notre Dame, on dit que c’est un accident, mais on peut se poser des questions. « Je voudrais qu’on me le démontre ».

     Oui mais que faire quand on ne sait pas, quand un évènement comme la pandémie nous plonge dans l’inconnu ?Doute, défiance, théorie du complot : c’est un mouvement crescendo qui aboutit à enfermer sa pensée en soi-même. Essayons de garder confiance en l’autre. Oui certains ont fait des choses détestables, cela ne suffit pas à tout rejeter. (Le bébé avec l’eau du bain)

     Il est bien connu que le complotisme apparaît à chaque épidémie. Parce que les gens ont peur et c’est normal :on est dans l’incertitude, notre raison a besoin de s’accrocher à une explication. Alors si on n’en a pas, on est tenté d’en fabriquer. L’inconnu est très inquiétant, angoissant. La peur enlève la capacité de jugement. Et aujourd’hui, ces fausses explications trouvent une caisse de résonance considérable avec les réseaux sociaux et peuvent avoir des conséquences très graves.

     

    Le doute

     Douter n’est bien sûr pas un délit, n’est pas répréhensible, tant qu’il n’est pas teinté de soupçon. Le doute est légitime, il est d’ailleurs à la base de la démarche scientifique qui cherche justement à lever le doute. Exemple : le médecin confirme son diagnostic avec des examens. Il faut faire très attention de ne pas confondre cause et corrélation. La première dit qu’il y a relation de cause à effet, la seconde qu’il y a juste coïncidence, qui peut être fortuite. Et aussi faire très attention aux chiffres sortis de leur contexte, on peut leur faire dire ce qu’on veut.

     Quand le doute est chargé de soupçon et d’accusation,il devient pernicieux et peut devenir manipulateur. La certitude est rassurante, la vérité est cathartique, les soupçons créent le désordre. On peut en arriver à douter de tout, à perdre toute sérénité… Plutôt que d’interdire des propos censés être faux, faisons un débat contradictoire basé sur des faits, des explications scientifiques. On peut juger les faits si on nous les expose !

     Mais parmi toutes les affirmations fantaisistes, qui mêlent le vrai et le faux, il est parfois difficile de séparer le vrai du faux, d’apporter des preuves. Exemples : que la Terre est plate, ou que le monde a été créé (Créationnisme), que le groupe de Bilderberg (qui existe bien) dirige le monde en secret.

     

    Confiance, défiance

     Pourquoi ne croit-on pas certaines affirmations ? Parce qu’on nous a menti. Par exemple sur le nuage de Tchernobyl, sur le sida, sur les masques…

     Le doute est légitime. Mais la méfiance produit un décalage du niveau des idées au niveau des personnes, qui sont dès lors menacées, peuvent voir leur adresse divulguée, leur famille exposée à la violence… « Certains touchent des sommes astronomiques… J’ai plus confiance dans ceux qui ne touchent rien ! »Oui mais parfois il faut choisir entre le conflit d’intérêt et l’absence d’intérêt ou de compétence…

     

    Fake-news, fausses nouvelles

     Les fausses nouvelles, les rumeurs ont toujours existé, car quand on bute sur un problème inconnu, on essaie de trouver une explication rationnelle.

     Exemples cités au cours du débat : les Illuminati, la Terre plate, « Les centrales nucléaires émettent du CO2 », le négationnisme (sur le Goulag, la Shoah,…), les mensonges de certaines entreprises pharmaceutiques… certains sans dégât, d’autres à l’origine de graves conséquences jusqu’à des morts.

     On peut énoncer quelques règles

        · Ne pas chercher des preuves de ce qu’on affirme, c’est être dans le complotisme.

     Chercher un coupable à tout prix a pour conséquence d’enlever la sérénité sociale.   

    Toujours lutter contre la désinformation.

    ·       Essayer de conserver confiance en l’autre

     

    Le complotisme fait beaucoup de dégâts actuellement.Il y a un enjeu à répandre des choses fausses car c’est ensuite difficile de rétablir la vérité. Ces discours mélangent le vrai et le faux, et il est difficile de s’y retrouver. Il est très important d’aller regarder les informations que donnent ceux qui ne sont pas d’accord avec soi, de chercher des opinions contradictoires.

     

    Les réseaux sociaux

    Une nouveauté déterminante, ce sont les réseaux sociaux.Ils donnent la parole à ceux qui ne l’ont pas ailleurs et c’est très important. Mais ils permettent à un grand nombre de s’exprimer trop vite. Rétablir la vérité coûte de plus en plus en temps et en efforts. Et quand la vérité est rétablie, on a déjà oublié, on est passé à autre chose et le mal est fait. Les gens qui lancent des fake-news ont toujours un train d’avance. La multiplicité d’opinions est une bonne chose. Mais certains veulent monopoliser le débat, empêcher d’autres de s’exprimer : ils balancent des fake-news qui gênent, occupent le terrain. Le coût de la défense est alors supérieur au coût de la déstabilisation.

     De plus la surcharge d’information échappe au contrôle. Autrefois on ne publiait que sous le contrôle de comité de lecture, comité de rédaction, ce qui limitait la quantité d’information. Aujourd’hui on peut publier sans aucune vérification. De plus il y a des phénomènes de regroupement, de foule, en flux énorme, autour d’un message dont la vérité est relative.

     Et les fausses nouvelles provoquent des catastrophes. Les algorithmes des réseaux sociaux construisent des chambres d’écho, d’amplification : puisque telle opinion est très répandue, c’est la vérité, et pourtant ce n’est pas représentatif de la réalité, ce n’est qu’une partie des opinions. Et n’écouter qu’une partie des opinions est très dangereux, peut mettre autrui en danger.

     

    La connaissance, la vérité

    Il existe des lieux où les scientifiques s’expriment, échangent, discutent, s’affrontent… avec des arguments qui échappent au public. Les scientifiques qui cherchent les réseaux sociaux pour s’exprimer sont souvent ceux qui ne sont pas en phase avec les réseaux scientifiques, pas reconnus par leurs pairs. Un chercheur de renom comme Raoult nous a induit en erreur.

    La vérité n’est pas facile à trouver, il faut du temps et des efforts. Être complotiste est une facilité. Sur internet, le résultat d’une recherche dépend beaucoup de la façon de poser la question.La littéracie est la capacité à comprendre les informations : il y a des personnes qui n’ont pas cette capacité, qui mettent au même niveau tous les sujets…Certains veulent monopoliser le débat, empêcher les autres de s’exprimer en balançant des fake-news. Il est indispensable de faire le tri, de regarder des documents contradictoires, pas seulement d’un côté, pour se construire sa propre vision.

     

    La liberté d’expression.

    Elle est définie ainsi : toutes les opinions sont permises sauf celles qui font du tort à autrui. Certains pensent qu’on n’est pas aussi libre, qu’on empêche des personnes de s’exprimer, on cherche à les faire taire, à les censurer.On peut voir un article supprimé sur les réseaux sociaux, est-ce une entrave à la liberté ? Pour limiter les dégâts de certaines fausses affirmations, une régulation est indispensable, elle débute à peine.

    La pandémie

     Le virus suscite des peurs, qui empêchent la sérénité car on a besoin de cohésion. L’incertitude est inconfortable, on cherche à s’en affranchir. (C’est un terrain qu’a occupé l’Eglise en affirmant ses dogmes). Devant cette maladie Covid, on ne sait rien, on est bien obligé d’accepter le doute.On reçoit des infos contradictoires, par exemple sur les effets secondaires et le bon usage des vaccins. Cela provoque ambigüités et confusion. Malgré sa célébrité, Raoult a été discrédité par ses pairs.

     Quand ON NE SAIT PAS, il est important de le dire :nous devons gérer une situation floue, accepter le doute. La difficulté est de trouver la vraie cause : il est plus facile de désigner un coupable ! Or seule la cause permet de trouver la solution.Le reproche que l’on peut faire aux complotistes, c’est qu’ils prétendent savoir, c’est que leurs croyances leur tiennent lieu de preuves.

     C.R. rédigé par Marie-Odile Delcourt


  • Commentaires

    1
    Pierre M.
    Lundi 19 Avril 2021 à 23:19

    Je suis assez d’accord avec  le texte de Josette à une nuance près.

    Il faudrait distinguer complotiste et complotisme. Le complotisme existe c’est un fait avéré.

     

    Le Complotiste

    En dehors de quelques individus qui pratiquent effectivement le complotisme, on ne peut pas réduire un individu qui professe des opinions dérangeantes à ce seul qualificatif dépréciatif. On tombe alors dans le travers que l’on dénonce chez les complotistes, c’est-à-dire chez ceux qui expliquent tous les problèmes complexes par une cause unique et, qui plus est, une cause sensée être dissimulée à l’opinion.

     

    Par contre le complotisme existe, il n’est pas nouveau. Rappelons-nous de l’affaire Dreyfus, de la dénonciation de la « troisième colonne » avant la dernière guerre, du « complot judéo-maçonnique » sous le régime de Pétain. Plus tard McCarthy aux USA faisait la chasse au complot communisme mené par des « rouges » aussi dangereux que Charlie Chaplin. On a souvent évoqué aussi la domination politique et économique des grands patrons regroupés dans le groupe de Bildenberg (rappelé dans le CR). Il n’y a pas si longtemps on dénonçait de  soi-disant Illuminati, etc.

    Aujourd’hui ce sont Bill Gates, Big Pharma, l’islamo-gauchisme, etc.

     

    On évoque la théorie du complot à tout propos lorsque les circonstances sont floues (affaire Dominici, mort de Kennedy), ou lorsque ça arrange les individus (limogeage de Carlos Ghosn). Souvent elle touche au délire et peut provoquer de graves incidents (Qanon et le complot pédo-sataniste aux USA, récent enlèvement en France d’une fillette par des survivalistes…).

     

    Le discours des complotistes est reconnaissable : on y trouve les leitmotive habituels (on nous cache tout, rien n’arrive par accident, tout est lié, X tire les ficelles…) ou des affirmations-questions imparables (prouvez que j’ai tort ! à qui profite le crime ?).

     

    De soi-disant experts, se réfugiant derrière des titres universitaires et scientifiques souvent incontestables, viennent polluer le débat par des affirmations hasardeuses sur les réseaux sociaux. Ils risquent d’influencer une opinion qui ne sait trop qui croire. Ils sont rarement crédibles. Soit qu’ils s’expriment sur des sujets en dehors de leur sphère de compétence. Soit qu’ils viennent chercher auprès d’un public profane une reconnaissance qu’ils n’ont pas reçue de leurs pairs, en raison de leurs idées farfelues ou trop décalées (il y a des déviants dans toutes les professions). Quand ce n’est pas pour défendre des intérêts souvent moins avouables. Le vrai débat d’idées scientifiques ne se fait pas dans les chaumières.

     

    Enfin, il ne faut pas confondre lanceur d’alerte et complotiste. Le premier révèle des vérités cachées indéniables (p. ex. le dossier du lobby du tabac ou l’affaire des wikileaks). Dans le second cas il y a manipulation, volontaire ou non, d’informations.

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    2
    charlotte MORIZUR
    Mardi 20 Avril 2021 à 11:54

    Oser questionner est le graal du philosophe pour qui les questions comptent parfois plus que les réponses (la maïeutique). Oser questionner est le credo de l'Homme libre, la raison d'être de tout esprit critique. 

    Dans le monde des Hommes, où tout est provisoire, les vérités établies ne le sont bien souvent que provisoirement. Les hommes et femmes de sciences, toujours en quête de Vérité, le savent bien et restent de ce fait  modestes (pas tous !)  devant toute découverte. Souvenons-nous des propos d'Yves Coppens lorsqu'il a découvert en Ethiopie, la petite Lucy ... in the sky with diamonds : " Lucy, avec ses 3,18 milliards d'années, est  la plus ancienne représentante d'une espèce à l'origine de la lignée humaine, et il a ajouté "... jusqu'à ce que d'autres que moi trouvent la preuve du contraire." Et effectivement, quelques décennies plus tard, on a découvert,  dans une région de l'Afrique de l'ouest, un squelette de la même espèce encore plus ancien que celui de Lucy. "Je m'en doutais !"  a déclaré avec modestie Yves Coppens.

    Douter est le début de la sciences écrivait Teilhard de Chardin. Et en effet celui qui "gobe"  tout, qui ne vérifie rien, ne découvre jamais rien. Ces temps sont troublée par l'arrivée du Corona qui en quelques mois a envahi le planète, faisant des milliers de morts, et semant la peur. Il faut accepter que les experts soient dans le doute, qu'ils tâtonnent, que les informations qu'ils nous donnent soient hésitantes. Or les désinformations, elles, ont proliféré.

    "Aucune désinformation n'est inoffensive. Se fier à ce qui est faux produit des conséquences néfastes." C'est en ces termes que le pape François est intervenu (sur twitter) dans le débat mondial sur la question des fakes news et les moyens de lutter contre elle. Et ces termes ont été repris immédiatement et  presque mot pour mot par les complotistes, cela parce  que ça marche  dans les deux sens...  et c'est là que le bât blesse ! 

    L'antidote le plus radical au virus du mensonge serait la vérité. La vérité on l'a dit au cours du débat est cathartique, purificatrice . Or tant qu'elle n'est pas révélée des esprits malins défigurent l'opinion en oeuvrant contre elle.

    Oser questionner est aussi l'alibi à la promotion des complotistes qui recouvrent l'évidence par le délire. 

    "Le doute est le moyen de connaissance, la défiance l'arme du déni" Raphaël Enthoven.   

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