• Notre civilisation pourrait-elle s'effondrer ?

                                                                                                                                                            

     

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    1
    soulat daniel
    Lundi 3 Mars 2014 à 16:01

    I/ D'une manière générale, la vie des civilisations suit un cycle de vie: gestation, naissance, croissance, apogée, déclin. Les causes du déclin des civilisations peuvent être classées en deux catégories: causes endogènes, générées par la civilisation elle-même (crises politiques et sociales, crises structurelles, crise financières, guerres, ...) et les causes exogènes, c'est à dire les causes externes telles que l'apparition d'épidémie, de maladies ou d'évènements naturels (climat, volcans, ...).

    Parmi les causes structurelles aux organisations, on peut noter que les civilisations atteignant un certain degré de complexité ne peuvent que décliner, notamment parce que tous les efforts pour maintenir leur stabilité entraînent un surcoût de complexité de plus en plus ingérable.

    II/ Exemple du déclin de la civilisation Maya: Causes internes: crise écologique, la surexploitation des sols les aurait rendus stériles, surexploitation du bois conduisant à une déforestation massive pour chauffer le calcaire et le transformer en stuc, déforestation massive entrainant une érosion accélérée des sols recouvrant notamment les terres agricoles fertiles de matières non fertiles, comme l'argile par exemple. Crise démographique augmentation de la démographie trop rapide par rapport à ce que les avancées technologiques permettaient de gérer en terme d'organisation, notamment en terme d'approvisionnement de nourriture. La religion Maya supervisait la création des arts et sciences, par ailleurs, les prêtres ayant prédit l'approche imminente de l'apocalypse, le peuple aurait soudainement été pris de panique et se serait enfuit. Causes externes: les invasions, guerres endémiques entre citées, les catastrophes naturelles séismes, fortes perturbations climatiques diminution des pluies, sécheresse importante, épidémies, nuées de sauterelles.

    III/ Pour répondre à la question du débat proposé, on pourra observer de fortes similitudes entre la situation actuelle de notre civilisation occidentale et le cas général, ainsi que l'exemple des Mayas. Pour ma part, je pense que l'occident sera en position d'infériorité par rapport aux autres civilisations sur les domaines exogènes: démographie, religieux, et sur les domaines endogènes: la solidarité (le monde moderne à l'indifférence de la pauvreté),  la complexité des entités de gouvernance et leur autorité, la communication au sens altérité / isolement. Quant aux aspects climatiques et écologiques ils toucheront l'ensemble des civilisations.

    IV/ Remarque: en accord avec les propos de Alexis Carrel mentionnés à la fin du texte de André

    pour mémoire la définition du mot civilisation par le Larousse: ensemble des caractères propres à la vie intellectuelle, artistique, morale, sociale et matérielle, religieuse, technique ... d'un pays ou d'une société humaine,

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    Pierre M.
    Dimanche 9 Mars 2014 à 23:52

    Ce très bon texte, agréable à lire et très bien documente suscite néanmoins quelques réactions.

    Mon premier étonnement vient des auteurs cités : si Arnold Toynbee était évidemment indispensable, pourquoi mettre tant l'accent sur Paul Ehrlich qui n'a développé qu'une vision, intéressante certes mais très partielle (la "bombe Population") sur cette question. On se serait attendu à voir cités Oswald Spengler (le "déclin de l'Occident"), Huntington qui fut à la mode il y a une vingtaine  d'années (le "choc des civilisations"), surtout peut-être Jared Diamond dont les derniers ouvrages comme "Effondrement" ont été il y a peu des best-sellers mondiaux : il y montre par exemple comment la civilisation de l'île de Pâques s'est effondrée par "suicide écologique" (écocide), thèse récemment contestée par une équipe d'archéologues belges. Plus étonnant encore cette citation finale du sulfureux Alexis Carrel.

    Notre civilisation peut-elle s'effondrer ? Tout dépend de ce qu'on définit comme civilisation, et sur ce point les avis divergent. De toute façon, quelle que soit la définition, la réponse ne peut être que positive : tout dépend de la profondeur historique qu'on envisage, car, au regard de la longue histoire de l'humanité, aucune structure humaine n'est pérenne. Ce n'est pas nécessairement un effondrement brutal, mais une lente désagrégation. D'une des plus vieilles civilisations connues, la civilisation égyptienne, il ne reste plus que des vestiges. D'autres civilisations n'ont guère vécu que quelques siècles (voir les brillants empires africains Ghana, Mali, Bénin, Songhaï, Djoloff, etc. que l'on oublie souvent). S'agit-il du système économique dans lequel nous vivons aujourd'hui (qu'on l'appelle capitaliste ou autrement) ? la réponse est positive : il disparaîtra sous sa forme actuelle avant la fin du siècle, victime de ses contradictions, et des évolutions qu'il engendre. S'agit-il de la "civilisation judéo-chrétienne" ? les certitudes sont moins grandes, sa pérennité pourrait être plus longue. Ce qu'on peut reprocher aux théoriciens de l'effondrement, c'est leur vision monofactorielle de ce phénomène : la population pour le néo-malthusien Ehrlich, la culture, religieuse notamment, pour le politologue conservateur Huntington, l'environnement pour le biologiste Diamond (en fait sa pensée est plus nuancée), etc. Les "prêcheurs d'Apocalypse", comme les nomme J. de Kervasdoué, ont beau jeu de vendre leurs délires, notamment écologiques et sanitaires, fondés sur des réalités sorties de leur contexte : réchauffement climatique, énergie nucléaire, OGM, biodiversité, épuisement des ressources fossiles, etc.  Alors que ce qui conduit à la fin, progressive ou violente, de toute civilisation est en fait multifactoriel et donc systémique : ce n'est pas un seul facteur qui agit c'est une conjonction d'interactions multiples.

    Si l'on considère les civilisations comme des systèmes dynamiques ouverts (comme certains systèmes mécaniques ou biologiques), leur évolution (croissance, décroissance, disparition…) dépendent à la fois de leur état interne et des stimuli externes quelles subissent. Tout comme un corps humain dont la santé dépend de son état interne et des facteurs externes – favorables ou agressifs – auxquels il est soumis : ainsi l'agression microbienne peut détruire un être vivant, mais s'il en réchappe, il enrichit son potentiel de résistance (voir la vaccination). C'est ce que certains scientifiques, comme Henri Atlan, nomment "auto-organisation par le désordre" : ou bien le système crève ou bien il résiste et, acquérant de nouvelles propriétés émergentes, se trouve promu à un niveau d'organisation supérieur et plus complexe.

    Ainsi se sont constituées nos sociétés, par une succession d'apprentissages, d'essais et d'erreurs. Certaines de ces erreurs ont été telles que le système-civilisation n'y a pas survécu. Ainsi s'explique l'échec de tout système politique utopique qui serait créé ex nihilo, sans avoir suivi ce long apprentissage semé d'échecs et de réussites (système bolchevique, utopies en général). Il arrive que la complexité s’accroît tant que – sauf à créer de nombreuses redondances – le système n'a plus beaucoup de degrés de liberté, il se sclérose, "s'ossifie", est ne peut plus résister aux aléas. Mais un seul ne suffit pas, il faut une conjonction d'événements divers pour en arriver là.

     

    Je ne crois donc pas qu'un seul facteur, une seule perturbation, aussi importante soit-elle, puisse venir à bout d'une civilisation. Dans la discussion j'avais repris l'exemple donné par quelqu'un d'autre de l'empire romain et de la multiplication des explications de sa décadence, allant de facteurs internes en apparence anodins (vaisselles et tuyauteries en plomb provoquant le saturnisme) aux facteurs externes souvent oubliés (incapacité de distribuer suffisamment de terres conquises aux légions romaines du Bas Empire). Des exemples de contradictions qui bloquent le système économique et social contemporain ont aussi été évoqués (accroissement inéluctable et nécessaire de la productivité du travail et impératif de plein emploi ; nécessité comptable de réduire le taux d'endettement et impératif de la croissance, etc.). Tout le monde a conscience que ces situations ne sont pas viables et qu'il faudrait sortir de ces apories. Comment ? Les dirigeants ont été mis en cause (il faut toujours trouver des boucs émissaires !), la vérité est que dans ces situations ils n'ont plus aucune marge de manœuvre. Alors comment en sortir ? Évolution (tout le monde scande ce mot magique "réforme" sans y mettre aucun contenu sérieux), changement de paradigme, lequel ? Révolution ? ça ne se décrète pas et nous prend toujours par surprise. Rappel de la prédiction de Kropotkine : dans son analyse assez acérée de la situation du monde occidental dans les années 1890, il en déduisait que tout concourrait au déclenchement d'une révolution. Il s'est trompé. Oui mais… Il y a eu l'effroyable catharsis de la guerre de 14-18. Si l'on n'est pas capable de lever ces contradictions, peut-on s'attendre à des catastrophes de cette nature ? Heureusement, comme l'écrivit Paul Claudel, "le pire n'est pas toujours sûr".

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