• L’identité est-elle un masque ?

     

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    [1]Ce terme désigne une technique consistant à mettre en valeur ses compétences et son, image professionnelle.

     


  • Commentaires

    1
    Pierre M.
    Samedi 5 Mars 2022 à 23:48

    Sans contester la pertinence de l’exposé de Nesrine, il est permis d’aborder cette question sous un angle différent.

     

    La question de l’identité est aussi vieille que l’histoire de la pensée occidentale. En logique depuis Aristote. Dans la science puisqu’il s’agit d’identifier des connaissances nouvelles à partir des connaissances déjà acquises. En philosophie où dominait le principe d’identité (A=A, c’est-à-dire « ce qui est est ») et qui opposait Parménide (tout demeure toujours identique) à Héraclite (rien ne demeure identique à lui-même) et, plus récemment, à Hegel (l’identité se construit tout au cours de l’histoire).

    Etymologiquement identité vient du mot idem (pareil) : il s’agit donc de comparer au moins deux éléments pour constater s’ils sont identiques ou pas. Comparer soit dans  l’espace soit dans le temps. Un frère est-il identique à son jumeau monozygote ? Ai-je toujours la même identité qu’à ma naissance alors que toutes les cellules qui me constituaient ont disparu ? C’est la fameuse histoire des Athéniens qui s’étaient engagés à conserver indéfiniment le bateau de Thésée qui les avait libérés du joug du Minotaure : à force de remplacer toutes les pièces de bois était-il encore le même bateau ?

     

    Identité suppose donc comparaison. Tel objet ne peut être dit grand que si on lui oppose un autre plus petit : je suis grand par rapport à une fourmi mais petit par rapport à un éléphant. Alors comment se fait-il qu’on puisse parler de l’identité d’un individu de façon absolue ?

    Pour essayer de comprendre il faut suivre l’évolution de ce concept. Dans sa première édition, le Dictionnaire de l’Académie française (1694) donne cette seule définition : « Ce qui fait que deux ou plusieurs choses ne sont qu'une mesme ». Cette définition varie peu sur le fond dans les éditions suivantes jusqu’en 1798. Mais tout change avec la sixième édition (1835) : s’y ajoute la définition suivante « Il se dit particulièrement, en Jurisprudence, en parlant de la reconnaissance d'une personne en état d'arrestation, d'un prisonnier évadé, d'un mort, etc. ». Il y a donc eu judiciarisation de ce terme, sans doute dans le prolongement de la création de notre Code Civil (1804). Volonté de contrôler les individus ?

     

    Si donc masque il y a, ce serait d’abord un masque, un crible, posé par l’Etat sur notre personne (p. ex. code de sécurité sociale, carte d’identité, passe vaccinal…). On peut se complaire à porter ce masque jusqu’à assimiler sa personnalité à l’identité qui nous est ainsi conférée. Avec les dérives dites identitaires que cela implique.

    Comme le disait le philosophe Alain Badiou « …les gens se replient sur des identités, car être noyé comme individu dans ce monde abstrait est un cauchemar d'errance sans fin. On se cramponne alors aux identités familiales, provinciales, nationales, linguistiques, religieuses. Des identités disponibles parce qu'elles viennent du fond des temps. C'est un monde à l'opposé de la rencontre, un monde du repli défensif. » (in. Télérama, 06/08/10)

     

    Aujourd’hui l’identité est au cœur des  débats politiques et des luttes sociales.

    Dans les années 80, Michel Foucault l’avait pressenti : la forme de gouvernance pratiquée dans les régimes néolibéraux débouche sur une « gouvernementalité » (terme foucaldien) individualisante qui accroit les contraintes individuelles et transforme les individus en sujets. Ceux qui refusent de se soumettre à ce régime, à voir leur identité fixée, se réfugient soit dans la singularité individuelle, soit dans la recherche d’une autre identité de groupe (voir les idéologies « identitaires »)*.

    Des mouvements tels que les bonnets rouges, les gilets jaunes, les camions de la liberté, s’expliquent bien dans cette approche.

     

    * A quoi le philosophe Jean-Claude Michéa fait remarquer (Notre ennemi le capital, Champs essais, 2018) que la persistance des valeurs « identitaires » n’est pas un marqueur d’extrême-droite, ni un simple mythe populiste. C’est une réalité qui a tendance à se dissoudre sous l’effet du développement des rapports marchands. Il fait remarquer que il serait « absurde de prétendre que la langue française n’existe pas sous prétexte qu’elle n’a jamais cessé d’évoluer ni d’incorporer des termes étrangers ».

     

     

     

     

     

     

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