• CR du débat du 17/09/2022 :Que restera-t-il de moi quand je ne serai plus là?

    CR du débat du 17/09/2022 : « Que restera-t-il de moi quand je ne serai plus là ? »

    Il y avait treize personnes présentes.
    Parmi les thèmes suggérés dans le texte d'introduction, trois ont constitué l'essentiel du débat :
    les traces laissées par les individus
    bien vivre sa vie en tant qu'individu
    la contribution de chacun à l'évolution de l’humanité
    Ont été peu ou pas abordées les questions relatives à la mort elle-même, le décès des personnes et leurs conséquences immédiates, notamment la transmission des biens, l'héritage, le testament, le devenir des objets, etc. L'horizon temporel n'a pas non plus été approfondi.


    Laisser des traces


    Les hommes ont de tout temps été fascinés par ce qui concerne une forme de survie après la mort (par peur ?) et ce qu'on peut faire pour laisser des traces indélébiles. Les idées sur cette question sont nombreuses et variées, depuis les pyramides et les momies des pharaons jusqu'aux rêves d'immortalité des transhumanistes, en passant par le président turkmène se faisant ériger une statue en or massif et les documents archivés...Les procédés sont nombreux pour conserver les corps physiques : momies, congélation, et même, de manière différente, réincarnation. Mais dans ce dernier cas se pose la question de la mémoire : que signifie se réincarner si on ne se souvient pas de sa vie précédente ?
    Remarquons aussi que ceux dont on se souvient le plus sont le plus souvent les grands assassins et les prophètes plutôt que les grands bienfaiteurs de l'humanité, à l'image de Napoléon, Alexandre, ou Jésus, Mahomet, Confucius. En sera-t-il de même pour Fourniret, Landru, Petiot et les gourous des sectes ?
    Le cas d'Erostrate a été cité. Ce personnage avait incendié le temple de Delphes afin de laisser son nom à la postérité. Malgré l'interdiction de prononcer son nom, son souvenir est bien là aujourd'hui, alors que le nom de l'architecte du temple est oublié.
    Un long moment a été consacré aux supports de conservation des divers documents, textes, photos et films, enregistrements audio. Aujourd'hui, tout le monde veut laisser une trace au travers des réseaux sociaux et de la conservation du moindre échange dans des banques de données monstrueuses. Pourtant, la durée de vie des supports numériques est très faible par rapport à la gravure sur pierre ou tablettes d'argile de nos ancêtres, ou même par rapport au papier. Saura t-on dans mille ans lire disquettes, CD, DVD, clés USB, même si tout cela n'est pas effacé ?
    La mort est définitive. Ce qui restera est peu de choses : des souvenirs dans l'esprit de nos proches, des traces écrites variées. Retrouver des écrits, des films ou des enregistrements vocaux de proches disparus est générateur d'émotions fortes, qui font brièvement revivre dans notre esprit des personnes qu'on avait souvent oubliées.
    Pour savoir ce qui se passera de visible après notre mort, il suffit d'examiner par effet miroir comment nous réagissons quand nous perdons un être cher, ou quand meurt une personne connue. Les noms s'évanouissent peu à peu, plus ou moins vite. Dans les moments difficiles on invoque parfois les personnes disparues, bien au-delà du nom qui n'est qu'un accessoire.


    Bien vivre sa vie plutôt que laisser des traces


    Vouloir laisser son nom est dérisoire. On est tous tourmentés par notre ego, alors que cela n'a pas d'intérêt ni de sens. Il vaut mieux être satisfait au cours de sa vie des choses bonnes qu'on a faites pour les autres, par exemple avoir contribué à l'éducation des enfants ou à la disparition de leurs déficiences plutôt que de vouloir à travers cela laisser son nom à la postérité.
    C'est la vie qu'on construit qui est importante, avec ses dimensions de chance, d'affrontement de la réalité, de combats et de défis. Vivre avec ses valeurs d'amour, de paix et de justice et les défendre, construire une famille, c'est cela qu'il faut ensuite transmettre au travers de l'éducation et de l'exemple, car dans sa vie on s'inspire beaucoup de personnes connues, de modèles qui sont des références.
    Vivre son présent, ce n'est pas profiter de la vie de manière égoïste sans rien donner aux autres. Les modes de vie évoluent très vite aujourd'hui, si bien que transmettre ce à quoi on croit devient difficile, même si la transmission de valeurs reste largement indépendante de l'évolution de la société.
    Certains ont évoqué le « Jugement dernier », qui sous ce nom (car on ne sait rien de ce qui se passera après la mort), serait simplement l'examen final honnête de son existence, le bilan de sa vie, mais aussi la remise en cause tout au long de son existence de ses actions et de ses valeurs.  Certains manifestent leur désaccord à cette vision, car il y a beaucoup d'individus inaccessibles à l'examen de conscience, dénués d'empathie, et d'autres qui passent leur temps à s'interroger pour savoir si ce qu'ils font est « bien » ou « mal ».
    Sur la question de ce que sont le « bien » et le « mal » et donc les valeurs, une discussion s'est engagée sur la définition difficile de ces termes. Mais dans un groupe social donné, tout le monde en a une conception voisine, issue de l'éducation, des parents, des gens qui nous côtoient. Sans aboutir au relativisme, certains pensent que ce sont d'abord des concepts personnels, soutenant que même Hitler et consorts possédaient une forme de fraternité, celle qui existe entre criminels, conception réfutée par d'autres arguant qu'il ne faut pas confondre ce genre de fraternité avec des pathologies mentales, souvent issues d'un vécu difficile au cours de leur enfance, ce qui ne les excuse pas pour autant.
    Faire son examen de conscience n'est pas si simple. Ce qu'on a fait et pensé dans un passé lointain est sujet à caution : la mémoire n'est jamais fidèle, les souvenirs se mélangent, certains sont inventés en toute bonne foi. Ce dont on se souvient n'est pas toujours ce qu'on a vécu, mais au long des années subsiste cependant la conscience de soi.
    De tout temps il a existé un déni de la mort, sous différentes formes. Autrefois, on honorait les défunts au travers de rites obligés, de cérémonies avec procession, homélie, deuil vestimentaire, etc, et la promesse d'une autre vie. Aujourd'hui, ce sont les médecins qui s'occupent des mourants, et les funérailles sont souvent confiées à des professionnels. La vie qu'on mène compte plus que la mort qui nous attend et qu'on sait inéluctable.


    Contribution à l'évolution de l'humanité


    La part la plus importante qu'on puisse transmettre, c'est celle qui, anonyme, contribue avec efficacité au progrès social de l'humanité, chacun selon ses capacités, à l'image du colibri de Pierre Rabhi. C'est la seule qui demeurera, comme la part de chacun dans une équipe qui travaille avec un objectif commun.
    La métaphore de la vague et de l'océan illustre bien la destinée humaine : une personne qui appartient à l'humanité est comme une vague dans l'océan, qui naît, avance un moment puis disparaît pour être suivie d'une autre vague, dans une succession presque infinie dont le mouvement d'ensemble constitue la réalité de l'océan. Vouloir identifier chaque vague ne présente aucun intérêt.
    Sur le plan physique, nous retournerons tous en poussière. Mais il est remarquable de savoir que les atomes et molécules qui constituent notre corps pourront intégrer les corps d'autres individus. Nous avons tous en nous des bribes de César, et n'oublions pas que les constituants de nos corps ont tous été remplacés au bout de sept ans en moyenne. Notre « moi » demeure alors que tout a été renouvelé... Ce qu'on transmet d'abord, c'est la vie, le patrimoine génétique, de génération en génération ; c'est cela qui constitue le projet global de l'humanité, qui ne s'intéresse pas à chaque individu pris isolément, au « moi » de chacun.
    Toutefois, dans cette transmission figure aussi l'héritage culturel, qui permet à chacun de devenir ce qu'il est grâce à l'environnement dont il a bénéficié. Il y a une chaîne d'individus qui constitue le patrimoine humain, qui s'accumule et se transmet autrement que par les seuls gènes.
    Aujourd'hui, la mort des individus tend à passer au second plan, remplacée par la crainte de la mort de la planète qui entraînerait celle de toute l'humanité. Ceci est particulièrement vrai chez les jeunes, qui mettent en cause les « boomers », alors qu'ils profitent pourtant de ce que ceux-ci ont réalisé. Nous sommes tous plus ou moins responsables de la situation de la planète, ceux qui l'ont créée aussi bien que ceux qui l'utilisent. Ce qui est le plus catastrophique aujourd'hui, c'est plutôt le recul du niveau d'éducation des enfants, entre des parents souvent démissionnaires, une école qui a du mal à s'adapter, des valeurs dominées par l'argent et le profit, et une bouillie d'informations non triées faisant office d'appropriation de connaissances. Au lieu d'une société fraternelle se développe un ensemble d'individus dominés par leur ego, dans lequel l'autre n'a pas sa place. Certains participants s'opposent pourtant à cette vision étriquée et un peu rapide de la société : de tout temps a existé cette opposition jeunes / vieux, et si elle n'existait pas il y aurait des raisons de s'inquiéter.

    En conclusion, parler de la mort et de sa place dans la vie de chacun n’a pas été aussi « tristounet » que cela, contrairement au ressenti de deux participantes…

    Compte-rendu rédigé par Jean-Jacques Vollmer


  • Commentaires

    1
    CHARLOTTE MORIZUR
    Mardi 11 Octobre 2022 à 16:19

    Dans ce compte rendu Jean-Jacques semble regretter qu’au cours du débat le sujet de la mort elle-même n’a pas été abordé. Mais qu’est-ce que la mort ? Est-ce cet instant où la vie nous quitte, où de vivant nous basculons soudainement, brutalement, à l’état de « dépouille » ? Ce mot « dépouille » résonne en nous de façon lugubre mais signifie que notre esprit, notre âme, nous ont quitté laissant de nous un corps qui était de chair et d’os et qui bientôt ne sera que poussière. Alors où va l’âme ? That’s the question n’est-ce pas ?

    Deux participantes ont, parait-il, trouvé le sujet « tristounet », cependant Jean-Jacques se réjouit que le débat se soit déroulé dans une ambiance sereine, tout cela est vrai : personne n’a sangloté sur sa Leff ou sa limonade, mais nous n’avons pas non plus rigolé comme des fous. Le sujet de la mort nous plonge dans une réflexion profonde et grave car il s’agit bien là de l’énigme jamais résolue de la condition humaine.   

    Le questionnaire de Proust est devenu célèbre pour les réponses qu’il a données à ce jeu anglais en vogue au 19ème siècle. Il était appelé « Confessions » et proposait une liste de questions que chaque être humain se pose au cours de sa vie.   A la question : « comment aimerais-tu mourir ? » Proust, qui n’a alors que seize ans, répond : « Meilleur et aimé. »  Depuis, la liste des questions s’est allongée et on trouve celle-ci : « Que souhaiteriez-vous que Dieu, s’il existe, vous dise lorsque vous paraîtrez devant Lui à l’heure de votre mort ? »

    Les hommes n’ont cessé de se poser des questions sur ce que devient l’âme après la mort, sur la vacuité de la vie si comme on le dit parfois, tout est provisoire, se perd, s’oublie. Certains ont peur de leurs morts. D’autres essaient de communiquer avec eux. Très étonnamment Victor Hugo fut un adepte fervent du spiritisme (appelé « science nouvelle ») et des tables tournantes. Il dira avoir parlé à Géraldine sa fille décédée dans un accident, mais aussi à Shakespeare, Molière, Jésus, Mahomet… Il faut dire qu’à cette période il était en exil sur l’île de Jersey et s’y ennuyait fermement. Il a également interrogé la mort elle-même lui demandant de se dessiner. Un crayon fut posé sous un pied de la table qui se mit à bouger et inscrivit sur le sol une tête à la bouche ouverte et aux orbites vides. Le groupe d’amis est sorti du salon en hurlant de peur ! On ne dit pas ce qu’ils buvaient ou fumaient durant ces séances mais on sait que cette scène a eu lieu à 6 h du matin après que la nuit se soit passée à appeler des esprits.

    Mais la question de Jean-Jacques était : « Que restera-t-il de moi après ma mort ? » Et là les réponses ont été nombreuses, fort bien rapportées  dans le CR et  développées dans les commentaires.

     

      

     

    2
    CHARLOTTE MORIZUR
    Mardi 11 Octobre 2022 à 16:28

    PS : A la question : " qu'aimeriez vous que Dieu, s'il existe, vous dise lorsque vous paraîtrez devant lui à l'heure de votre mort ?  "  je répondrai : "Malheureuse ! Tu n'as pas compris grand-chose  alors tu vas devoir retourner faire un tour sur Terre "  

    ET VOUS ?

      • Mercredi 12 Octobre 2022 à 15:48

        Oui, je veux bien revenir faire un tour, mais pas dans le corps d'un cochon ou d'un ornithorynque. Ni d'une mante religieuse mâle

    3
    CHARLOTTE MORIZUR
    Mercredi 12 Octobre 2022 à 15:50

    Ben non, ce serait toi, encore plus beau!!!

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