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Machisme, féminisme, laquelle de ces deux idéologies aurait engendré l'autre?
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Très beau texte mais un peu pessimiste.
Sur la question de la condition féminine il y a certes beaucoup d'insatisfactions, ne serait-ce que pour ce qui concerne, chez nous, l'égalité des responsabilités ou des rémunérations entre hommes et femmes. Il n'y a pourtant pas lieu de désespérer lorsqu'on voit d'où l'on vient et l'évolution qui s'est faite en moins d'une génération. Les moins jeunes d'entre nous ont connu un temps où les femmes, surtout à la campagne, toujours vêtues de sombre pour raison de deuil d'un parent plus ou moins proche, ne pouvaient sortir que la tête couverte, d'un fichu en campagne, d'un bibi en ville (aujourd'hui ce serait plutôt le contraire, certains voudraient leur interdire le port de foulard). Elles étaient vouées à ne s'occuper que des enfants et du ménage. Cette tradition est plus que séculaire dans nos civilisations issues de l'héritage grec et judaïque. Ainsi Hésiode, au huitième siècle avant notre ère donnait-il ce conseil aux jeunes paysans : " Il te faut avant tout une maison, une femme, un bœuf de charrue ; une femme achetée, non une épouse, qui puisse suivre les bœufs" ou portait ce jugement : " Se fier à la femme, c'est se fier aux voleurs". ("Les travaux et les jours", trad. Henri Patin, 1892). Les maux de l'humanité viendraient de la femme, la Pandora (la première femme "ornée de tous les dons") toujours d'après Hésiode, l'Eve des Ecritures des trois monothéismes. Le symbole chrétien de cette discrimination, haineuse à la limite, c'est le très misogyne Tertullien (dans les années 150). On ne peut pas effacer une tradition très ancrée depuis au moins trente siècles en une génération.
Car il y a peu de temps que le cap a commencé à s'inverser. Si l'on exclue la tentative en 1871 de la Commune de Paris de promouvoir une réelle égalité entre hommes et femmes (Louise Michel, Elisabeth Dmitrief) – tentative avortée après la féroce répression de ce mouvement – il faut attendre le lendemain de la dernière guerre mondiale pour connaître en France un début d'évolution (droit de vote acquis en 1944[1]). Depuis lors on assiste à une lente – très lente mais sans doute irréversible – évolution favorable. Cette évolution n'est pas que dans les actes, elle est aussi dans les symboles. Et ce n'est pas le moins important.
Par exemple ce n'est qu'en 2014 avec la loi "pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes" (Loi n° 2014-873 du 4 août 2014) qu'on a fait disparaître du droit français la traditionnelle obligation de jouir d'un bien "en bon père de famille". Elle a été remplacée, selon le contexte, par "raisonnable" ou "raisonnablement".
Aujourd'hui ce qui portait préjudice aux femmes peut parfois les avantager (systèmes de quotas appliqués de façon automatique).
A vrai dire notre débat est très franco-français. Au mieux il se place dans le contexte d'une civilisation occidentalisée (ou, comme l'analyse Philippe Descola dans un système ontologique particulier). Il en va autrement dans d'autres civilisations, comme la civilisation chinoise (ontologie analogique, conduisant à une conception dualiste de l'univers). La femme n'y est ni supérieure, ni inférieure à l'homme, elle est différente et complémentaire (donc supérieure à certains points de vue, inférieure à d'autres). Il faut également remonter huit siècles avant notre ère pour en trouver la genèse, explicitée dans le fameux Yi jing. Mao, tout communiste qu'il fut, en résumait bien la philosophie en déclarant "Les femmes soutiennent la moitié du ciel". Ou, comme l'écrivait le grand sinologue Maurice Granet ("La pensée chinoise", 1934) : "C’est uniquement en considérant les formes anciennes de l’opposition des sexes qu’on peut arriver à comprendre les notions de Yin et de Yang, leur contenu, leur rôle, leur fortune et leurs noms eux-mêmes… Dans la vieille Chine, les hommes et les femmes s’opposaient à la manière de deux corporations concurrentes…Le sombre appartient aux femmes et la clarté aux hommes."
[1] Un siècle après les mormons de l'Utah. En retard par rapport à la plupart des grands pays du monde (même vingt ans après la Turquie).