• Y a t-il des valeurs universelles ?

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    1
    Jean-Jacques
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:22
    Comme je ne pourrai malheureusement pas être là demain, je vous donne ci-dessous quelques idées en vrac que j’aurais certainement exprimées de vive voix avec vous.

    Tout d’abord, je partage pratiquement tout dans le point de vue exprimé par Marie-Odile : il n’y a pas de valeurs universelles ; le caractère universel des valeurs est un objectif à atteindre, à construire, un cheminement plutôt qu’une donnée a priori.

    Le concept de « valeur » est en effet une création de l’intelligence humaine. Quand il n’y a pas d’intelligence, il n’y a pas de concepts, et par conséquent pas de concept de valeur. Moins il y a d’intelligence dans une créature, et plus le comportement de celle-ci est dicté par des tropismes ou des nécessités vitales. Si on ne considère que l’aspect animal de l’homme, qu’est-ce qui a de l’importance ? Se nourrir, se reproduire, se protéger des prédateurs. C’est la base de la pyramide de Maslow, c’est la survie de l’espèce. Point de valeur là-dedans, mais une nécessité vitale. Chez l’homme, qui a la capacité de raisonner, cela peut donner l’illusion d’être des valeurs. Par exemple, pour que les enfants puissent atteindre l’âge adulte et être en mesure de se reproduire, il faut que les parents les soignent, les protègent, les nourrissent. On peut appeler cela l’amour de ses enfants, mais c’est en fait d’abord une nécessité vitale pour que l’espèce se perpétue. Sans vouloir initier ici une discussion sur la nature de l’amour, il faudrait alors pouvoir définir ce que c’est que l’amour filial quand on lui retire ce qui est simplement la nécessité d’assurer la survie de sa progéniture.

    Quant au caractère universel des valeurs, j’étais convaincu, lorsque j’étais plus jeune, qu’il y en avait deux ou trois qui possédaient ce caractère, parce qu’on les retrouvait dans toutes les cultures : respect de la vie humaine, interdit de l’inceste par exemple. A la réflexion, cela ne tient pas : de nombreuses civilisations pratiquaient les sacrifices humains, et je crois que l’inceste n’est pas forcément un crime partout, voir par exemple le mariage des pharaons avec leur sœur. A un autre niveau, il faut aussi constater qu’il y a un gouffre entre les valeurs affichées par une culture donnée, et le respect effectif de celles-ci dans la réalité. Les tueries au nom de Dieu viennent au premier rang de ces « dérogations », alors que « Tu ne tueras point » est un des préceptes majeurs du décalogue… Le travail de « progrès » d’une civilisation consiste donc bien d’abord à mettre en accord les valeurs qu’on affiche et celles qu’on pratique, plutôt qu’à chercher de « bonnes » valeurs, ou de vouloir transmettre les nôtres à d’autres peuples qui n’ont pas les mêmes.
    A ce titre, on peut d’ailleurs se poser deux questions :
    -    quelles sont les valeurs « occidentales », les nôtres, qu’on serait prêts à abandonner, ou du moins à modifier ?
    -    quelles sont les valeurs d’autres cultures que nous pourrions adopter ?
    Si on peut répondre favorablement à ces deux questions, cela démontre bien qu’il n’y a pas de valeurs universelles, que les valeurs qu’on a évoluent et changent. Si on répond négativement, cela sous-entend simplement qu’on estime que nos valeurs sont supérieures à celles des autres, sans pour autant être en mesure de dire pourquoi.
    Les valeurs sont des références pour nos actions, non les actions elles-mêmes.
    2
    Evelyne
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:22

    Il me semble en effet que les valeurs universelles n'existent qu'en théorie.
    Les civilisations, les us et coutumes des peuples et les lois qui régissent le monde
    peut être un obstacle à l'universalité des valeurs.
    La liberté, la tolérance peuvent peut-être porter le titre de valeur universelle, et encore, par
    rapport à l'importance que moi-même je leur accorde !
    De même, à mon sens, l'égalité et l'efficacité ne sont pas des valeurs, tout au plus des utopie et qualité... Quant à la fraternité, elle disparait souvent, bafouée par l'individualité !
    Avant que les peuples de la terre, et d'ailleurs (on parle de valeurs universelles, alors
    pourquoi pas...), appliquent ensemble les mêmes valeurs, qui aient pour tous, l'homme (entre autres) a encore beaucoup à apprendre, sur lui-même et sur les autres

    3
    Pierre
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:22
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    Dans l’incertitude quant à ma possibilité d’être présent samedi 12/09/09, je me permets de formuler quelques réactions au texte proposé par Marie-Odile.


    Je suis en parfait accord avec ce texte. Je me contente donc de quelques observations succinctes.


    * Sur un sujet aussi vaste, il est légitime de se limiter à la question des valeurs morales et philosophiques. Mais c’est également périlleux : je ne sais pas s’il y a des philosophes parmi nous.


    * Valeurs morales ? Tout être vivant est capable d’effectuer des jugements de valeur élémentaires, comme d’opérer la sélection entre le bon et le mauvais (le bon et le mauvais pour le bien-être ou la survie de l'individu ou du groupe d'individus). Cette satisfaction primaire des besoins (voir la pyramide de Maslow citée par Jean-Jacques) n'est pas encore conscience morale. Elle ne le devient que lorsque l'on passe du simple désir de choisir le bon, au choix raisonné de trancher entre le bien et le mal. Cela reporte la question : le partage entre bien et mal est-il universel ?


    * Il y a consensus sur le fait qu’il n’existe pas (hélas ?) de valeurs universelles (voir aussi le commentaire de Jean-Jacques). A noter que cela tranche un peu avec le débat passionné que nous eûmes à propos de la vérité. Y a-t-il une vérité absolue ? Rien n’est moins sûr. Mais ne revenons pas là dessus. En tout cas il y a des valeurs de vérité, ne serait-ce que le vrai et le faux en logique aristotélicienne.


    * C’est d’abord la multiplicité des valeurs auxquelles on se réfère qui fait obstacle à leur universalité. L’exemple donné de la liberté et de l’égalité est parfaitement démonstratif. Ces deux valeurs peuvent s’opposer. Cela apparaît nettement dans les différentes conceptions du Contrat social : la tradition anglo-saxonne (Locke notamment) insistant davantage sur la première, la tradition rousseauiste, française donc, insistant plutôt sur la seconde. Moins de libre Liberté serait donc le prix d’une plus égale Egalité. C’est, en gros, une des lignes de clivage actuelle entre les sensibilités politiques de droite et de gauche. Et sans parler de la fraternité, très souvent oubliée et que Régis Debray tente de remettre à l’honneur dans un tout récent et très « décoiffant » ouvrage (« Le moment fraternité »).


    * Les valeurs morales varient dans le temps et dans l’espace, car, débouchant sur des règles d’action, d’elles dépendent la survie d’un groupe humain ou d’une civilisation. Tout est donc affaire de contexte et de circonstances. Tel pacifiste convaincu peut en venir à tuer (voir la Résistance française). Il faut prendre également en compte le poids de la culture : dans nos pays occidentaux les valeurs morales sont codifiées, être moral s’est s’y conformer. Dans les pays orientaux, rien de tout cela : ce sont moins les valeurs collectives établies qui comptent que l’intensité des relations interpersonnelles (je ne sais plus où j’ai lu qu’en occident la référence était l’orthodoxie et en Orient l’orthopraxie). Farouche partisan de la défense des droits de l’Homme, j’avoue ne pas comprendre la position des Chinois sur cette question et en être scandalisé. Mais je reconnais que bien des Chinois (mais aussi des Arabes, des Africains…) ont le droit d’être scandalisés par la façon dont nous traitons nos Vieux, les laissant par exemple finir leurs jours dans des mouroirs.


    * A propos de l’universalité des valeurs, je me demande si nous ne sommes pas influencés par une mauvaise interprétation de l’impératif catégorique de Kant : « Agis toujours comme si la maxime de ton action devait devenir par ta volonté une loi universelle ». Tous les mots comptent, mais ils ne veulent pas dire qu’il existe une loi universelle. Citation contre citation, en voici une autre, inscrite dans le petit livre de poche (pas encore censuré !) qui fut un des best-sellers de l’été, « L’insurrection qui vient » œuvre du Comité invisible : « S’attacher à ce que l’on éprouve comme vrai ». C’était là mon couplet anti-conformiste !


    * Quand bien même il n’est pas question de valeur économique, toute valeur a un « coût » ou un « prix », ne serait-ce que le prix des efforts qu’il faut déployer pour la réaliser.


    * Alors, dans tout ce contexte, n’est-il pas un peu utopique d’avancer que « le caractère universel des valeurs est une aspiration en développement » (texte introductif) ? Est-il même souhaitable de voir réaliser cet objectif, au risque d’une perte de la variabilité culturelle de l’humanité ? L’idée d’une marche vers l’universalité, tout comme celle du sens de l’histoire ou du point Oméga, n’est-elle pas une illusion finaliste ?


    * Personnellement, cela va de soi, je souhaiterais qu’il en aille ainsi. Mais est-ce possible quand on voit la réalité du monde ? Je suis désolé d’en revenir à mon vieux « dada » : on ne peut s’accorder que sur des valeurs qui représentent ce que l’humanité partage en commun. Ce ne sont pas les valeurs culturelles. La seule chose qui nous unit dans un destin commun c’est notre statut d’Etres vivants. D’où – excusez mon insistance – ce concept d’incommensurable valeur du vivant. Même s’il n’a pas suffisamment été développé et médiatisé, il avait tout de même été retenu comme postulat de base par les responsables scientifiques et économiques d’une trentaine de pays qui avaient adopté il y a dix ans la courte Déclaration de Chambéry (voir http://2100.org/w_garden99/w_gardenDecl.html )

    <o:p></o:p>

    Pierre Marsal (10/09/09)

      • Creoline
        Dimanche 5 Août 2018 à 18:46

        Bonjour,

         

        Je serais intéressée par un développement de cette partie:

        "Il faut prendre également en compte le poids de la culture : dans nos pays occidentaux les valeurs morales sont codifiées, être moral s’est s’y conformer. Dans les pays orientaux, rien de tout cela : ce sont moins les valeurs collectives établies qui comptent que l’intensité des relations interpersonnelles (je ne sais plus où j’ai lu qu’en occident la référence était l’orthodoxie et en Orient l’orthopraxie). "

         

        Merci :)

    4
    Pierre M.
    Samedi 11 Août 2018 à 00:25

    Etant l’auteur du petit texte qui provoque la réaction de Créoline, je me sens obligé de tenter d’y répondre. Mais il faudrait sans doute posséder une culture philosophique que je n’ai pas pour ce faire. Les remarques suivantes sont donc à prendre avec réserve.

    D’abord, malgré ce que j’avais écrit, je ne suis pas vraiment persuadé que la différence entre occidentaux et orientaux réside dans l’opposition orthodoxie / orthopraxie (juste doctrine / juste pratique). Il doit y avoir un peu des deux dans chaque. Côté Ouest, les éthiques formelles (éthiques des principes) des utilitaristes ou de Kant, s’opposaient aux anciennes éthiques des préceptes essentiellement doctrinales (les Dix commandements par exemple). Sans doute côté Est trouverait-on pareilles différences : les gouvernements autoritaires de la Chine des Légistes huit siècles avant notre ère ne fonctionnaient pas selon le mode confucéen.

    Ce qui semble différencier nos deux approches c’est la question de la place de l’individu dans la société. Dans l’éthique des principes européenne, l’accent est mis sur l’individu (Droits de l’Homme). Conception que les Chinois peinent à accepter, car ils privilégient le collectif sur l’individu. On pourrait déceler une « auto-contradiction performative » dans cette position : le collectif a plus de valeur que l’individu, car le collectif promeut l’individu.

    Ces différences de points de vue sont-ils inconciliables ? En tout cas ils créent bien des malentendus. Comme tout « humaniste » européen je suis scandalisé par certaines pratiques qui résultent de ces éthiques étrangères à nos cultures (peine de mort, etc.). Mais sommes-nous bien plus glorieux à laisser sans le moindre remords périr en mer des émigrés désespérés ?

     En définitive il n’y a sans doute pas de « valeurs universelles » mais un tronc commun de ces valeurs qui s’est constitué peu à peu au cours de l’évolution de la société humaine. Ici et là se sont constitués – sans doute empiriquement – des règles indispensables à la cohésion des groupes humains. Par sélection naturelle ceux, individus ou sociétés, qui n’obéissaient pas à ces règles de survie, ont disparu. Même lorsqu’il s’agissait de règles biologiques (ex : tabou de l’inceste). Il est donc normal que les valeurs transmises soient quelque peu différentes selon les temps et selon les lieux. Mais l’essentiel se retrouve du fait de l’unicité de l’espèce humaine.

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