• Solidarité et charité : même combat ?

  • Commentaires

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    M. Danielle
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:21

    Bonjour, sur le sujet André Comte Sponville fait remarquer que la solidarité est une émanation de l'égoisme, aussi curieux que cela puisse paraître. C'est en fait une gestion astucieuse et bien comprise des égoïsmes individuels. C'est le principe de l'assurance (sécurité sociale, chômage, voiture et maison...). Ma cotisation peut servir à couvrir les dommages d'un autre et cela peut passer pour de l'altruisme. Pourtant, je ne cotise pas par pure bonté ou par générosité dans l'intérêt de l'autre, mais seulement parce que je sais que je peux être celui qui aura aussi besoin un jour d'être dédommagé ! La solidarité est donc loin de la charité... Qu'importe, pourvu que le système fonctionne

    La charité est la traduction française de ce que les Grecs nommaient " agapè " : l'amour universel et inconditionnel pour l'autre, pour le frère humain. C'est l'amour des Evangiles. Faute qu'il règne sur la planète, la solidarité organisée (gestion rationnelle des égoïsmes) et la morale (aider l'autre par devoir et non par amour) resteront nécessaires. Et tant pis pour les nobles sentiments !

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    soulat daniel
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:21

    I/ Commentaires sur le texte de Marc Hanotte :

     

    Effectivement, la solidarité a été plus efficace que la charité pour le progrès social, par l’aide des revendications, puisque la solidarité fait appel à un lien, une union, qui fait la force collective, avec l’engagement mutuel, alors que la charité est plutôt un acte isolé. Pour défendre une même cause, il y a donc un intérêt commun et des revendications qu’il n’y a pas dans l’acte de charité.

     

    La charité et la générosité sont d’immenses vertus situées moralement plus haut que la solidarité, avec en plus la pitié qui est un des nobles sentiments qui honorent l’être humain. La charité implique de la compassion, de l’apitoiement pour les souffrances d’autrui, on donne sans avoir un intérêt commun, sans avoir à défendre une même cause.

     

    II/ Commentaires sur le texte de Benoit Delcourt :

     

    En complément de la définition des termes, je rajouterai :

     

    Charité : notion d’aumône, ce que l’on donne aux pauvres, le donateur se voue au soulagement des pauvres et des malades, donc notion de statut, celui qui donne et celui qui reçoit, acte dénué de toute attente en retour, allant jusqu’à l’apitoiement. Relation souvent anonyme (on ne connaît pas le bénéficiaire), mais pas d’indifférence.

     

    Solidarité : notion de lien, se sentir unis, s’entraider, pas de notion de statut. Relation réciproque.

     

    Remarques : au regard de la question « que demandent ceux à qui on peut faire du bien ? »

    è de la considération, et conduit à la question « faut-il de la reconnaissance pour exister ? ».

    Au regard des façons de désigner son prochain « citoyen, camarade, frère », cela pose la question « mais qu’est-ce donc la fraternité, un de nos trois symboles de la devise de notre république ? ».

     

    III/ Conclusion : Charité et Solidarité ne sont pas dans le même registre, s’il y a un même combat à mener c’est sur la fraternité qui est une force d’entraide entre citoyens, visant un monde meilleur, en faisant remarquer « autant la liberté et l’égalité peuvent être perçues comme des droits, autant la fraternité est un devoir de chacun vis-à-vis d’autrui, c’est donc un ordre moral ». En tout état de cause, il y a à avoir de l’altérité.

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    soulat daniel
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:21

    Intéressant les propos de Pierre, en même temps l'exemple de la vaccination pris comme acte de solidarité, serait plutôt un acte civique (Le civisme désigne le respect du citoyen pour la collectivité dans laquelle il vit et de ses conventions, dont notamment sa loi). La vaccination contre la grippe il y a plus d'un an au niveau national a été plus près du civisme que de la solidarité, tout en étant un acte pour sa protection personnelle.

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    Pierre
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:21

    Avant la séance de cet après-midi, j'avais crainte que mêler dans un même discours solidarité et charité ne biaise le débat. Cela obligeait en effet à des comparaisons, à des réductions, de ces deux importants concepts qui n'ont en réalité que peu de points en commun : l'un et l'autre ne se situent sur le même registre. Pour tenter d'y voir clair, il faut revenir aux sources, et pour cela écouter ceux qui se sont déjà prononcé sur ces questions. En particulier des philosophes (par exemple André Comte-Sponville – qui a été cité dans la discussion – et surtout Heinz Wismann).

     

    Pour faire bref, la solidarité est d'abord un concept physique (les parties conjointes d'un corps solide), puis juridique issue du droit romain : la formule latine in solidum exprime une obligation collective d’honorer une dette ou de réparer un dommage.  Cette idée se retrouve dans de nombreux écrits et notamment dans la Grande Encyclopédie où elle s'applique aux relations commerciales, avec cette idée que chacun est engagé pour tous et pour la totalité de la dette. Mais c'est le Code civil napoléonien qui consacre en 1804 cette idée en précisant que cet engagement ne se présume pas et qu'il doit être explicitement stipulé par consentement mutuel (Art. 1202).

    Cette idée d'obligation a été reprise dans les écrits contre-révolutionnaires (J. de Maistre, Châteaubriand) qui l'ont fondée sur l'idée d'une dette collective et inextinguible des hommes envers Dieu du fait du pêché originel. En réaction, les mouvements progressistes, chrétiens et socialistes ou radicaux (Saint-Simon, le très étonnant Pierre Leroux, l'économiste protestant Charles Gide, Léon Bourgeois l'inspirateur de la SDN, etc.) ont conçu la solidarité comme une dette de chaque humain à l'égard de la collectivité humaine.

    Ce bref détour historique est nécessaire pour comprendre d'abord que la solidarité est, non pas une option individuelle, mais une obligation citoyenne ; pour comprendre aussi que le champ de la solidarité est vaste et qu'il ne se réduit pas à l'aide matérielle ou financière à autrui. Par exemple se faire vacciner contre une maladie épidémique ne procède pas seulement d'un désir justifié de protéger sa propre santé, c'est aussi un acte de solidarité envers la société en évitant la diffusion des germes pathogènes.

    Nécessaire à la cohésion des groupes humains, la solidarité a donné naissance à diverses pratiques économiques et sociales variables dans le temps et dans l'espace, mais toujours fondées sur les mêmes principes relationnels, sur une relative équivalence des échanges et sur la responsabilité des  parties (économie du don, système du potlatch étudié par Marcel Mauss, associations tontinières en Afrique , etc.).

     

    D'une tout autre nature est la charité. Elle n'implique pas nécessairement de responsabilité envers, ou d'échange avec, son prochain, mais une idée d'amour (du latin caritas, la qualité de ce qui est cher). Or l'amour ne se décrète pas. La charité n'est pas une obligation mais résulte d'un choix ou d'une option personnelle. Son non respect n'encourt donc aucune sanction. Et elle ne couvre pas l'ensemble des relations interpersonnelles comme c'est le cas pour la solidarité (je peux me faire vacciner par solidarité avec la collectivité, pas par charité). Parmi les autres différences : elle procède d'une démarche volontaire alors que la solidarité est souvent contrainte (au travers de l'impôt). Elle peut conduire à des résultats surprenants : ainsi le pasteur Malthus, plus connu comme économiste, pensait qu'il n'était pas charitable d'aider les pauvres à ne pas mourir de faim, car cela prolongeait inutilement leurs souffrances. Enfin, il faut observer que les théoriciens du libéralisme économique, prisent assez peu l'idée de solidarité qui entraîne des contraintes supplémentaires au jeu des mécanismes économiques. La charité ne les dérange pas autant puisqu'elle n'interfère pas.

     

    Dernière observation : pourquoi se limiter à poser la charité à coté de la solidarité, pourquoi pas la générosité comme le suggère Comte-Sponville (cela a été évoqué pendant la discussion).  Pourquoi pas la compassion bouddhique ? Et surtout pourquoi ne pas poser, à coté de la charité, troisième vertu théologale chrétienne, la zakaat ? Ce troisième pilier de l'Islam est l'équivalent de la charité (d'ailleurs on le traduit ainsi) mais il possède une caractéristique supplémentaire qui le rapproche de la notion de solidarité entendue comme devoir, c'est son caractère théoriquement obligatoire (c'est aussi un impôt). Au point que certains puristes religieux musulmans estiment que c'est le seul impôt qui peut être légitimement prélevé.

     

    Au total, par le talent des orateurs et la pertinence des interventions de la salle, ce débat que je craignais mal parti, a été fructueux. Mais, à l'avenir, il conviendrait de mieux délimiter les questions : quoiqu'on ait pu dire, solidarité et charité ont peu de choses en commun, hormis peut-être leur finalité. 

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    Pierre
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:21

    Daniel, ne nous battons pas sur les mots. Civisme, solidarité ? Nous parlons de la même chose vue sous des aspects différents. D'ailleurs, l'économiste et sociologue Laurent Thévenot explique que, dans sa dimension civique, "le bien commun est celui d’une solidarité collective qui contribue à l’égalité".

    Maintenant que nous nous sommes à peu près mis d'accord sur le contenu et les implications du mot solidarité, il serait temps de nous intéresser à plus important.

    - Dans un monde en mutation où se délitent ou bien se dénaturent certaines formes de solidarité (mutualisme, coopération) que sont les nouvelles solidarités qui émergent ?

    - Quels sont les enjeux économiques, sociaux et politiques de la solidarité ?

    Puisque j'évoquais Laurent thévenot, voici une citation d'un article qu'il écrivait en 2001 :

    "Accompagnant un nouvel essor du libéralisme économique, les critiques adressées à l'État visent aujourd'hui systématiquement les services  publics. Elles s'étendent aux notions d’intérêt général ou de solidarité qui sont alors traitées comme des idéologies ayant fait leur temps, ou comme des valeurs idéalistes masquant le jeu sous-jacent des intérêts individuels."

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