• Quelle Europe voulons nous ?

  • Commentaires

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    Dimanche 14 Avril 2019 à 14:40

     

    Il est toujours un peu frustrant de ne pouvoir détailler sa pensée sur un tel sujet au cours d'un débat, sachant que beaucoup attendent leur tour et que le temps est compté. C'est pourquoi j'ajoute ici ce que je n'ai pas pu exprimer hier, et je ne m'attarderai pas sur la critique du papier d'introduction sur lequel il y aurait pourtant beaucoup à dire.

    Je ne peux cependant passer sous silence la question d'une Union Européenne qui ne serait pas démocratique. Evidemment, si on considère que la démocratie c'est uniquement le « peuple » s 'exprimant de manière directe, alors il n'y a aucune démocratie sur Terre, même en Suisse. La démocratie représentative est pourtant une forme de démocratie, et d'ailleurs une des seules à pouvoir exercer efficacement la gouvernance d'un grand pays. Et l'Union Européenne est une démocratie représentative, à partir du moment où toutes ses institutions ont été créées par des personnes élues par le peuple, et que les personnes exerçant le pouvoir dans l'UE le font par délégation de personnes élues dans tous les pays constitutifs.

    La question de fond du débat portait sur l'avenir : quelle Europe voulons-nous ? Force est de constater qu'il s'est quelque peu enlisé autour de deux autres questions : le diagnostic des dysfonctionnements de l'Europe actuelle, pourtant maintes fois abordé et devenu en quelque sorte un lieu commun, et l'énoncé d'objectifs à atteindre relevant, de près ou de loin, à des vœux pieux ou du moins à des souhaits que je m'autorise à caricaturer sous la forme suivante : « Les solutions sont là, évidentes, il suffirait qu'on se mette tous d'accord »...C'est pourtant là qu'est le problème : nous ne sommes pas tous d'accord, nous n'avons pas tous les mêmes analyses ni sur l'état actuel de l'UE ni sur les solutions pour avancer vers une Europe qui serait une vraie puissance mondiale et orientée avant tout vers le bien-être de ses citoyens.

    Je ne suis pas partisan d'une solution globale qui consisterait à effacer tout ce qui a été fait depuis plus de 60 ans pour recréer quelque chose de nouveau et de différent. Supprimer la réalité actuelle pour supprimer ce qui ne va pas pourrait être relativement facile, mais créer une autre entité avec la garantie que tout sera mieux est une autre paire de manches, une utopie, et mon opinion personnelle est qu'il vaut mieux essayer d'améliorer ce qui existe. Mais alors, comment faire, sachant que personne n'a de solutions « clés en mains » ? Voici quelques pistes reflétant mes convictions propres.

    Sur les objectifs :

    L'Europe fédérale n'est pas possible actuellement. Mais elle reste un objectif à atteindre progressivement, sous forme de fédération d'états ou même de régions. Ceci s'oppose à ceux qui prônent l'Europe des Nations, qui est une vision du passé : les nations actuelles sont trop petites pour pouvoir jouer seules un rôle, même au travers de projets communs.

    Mesures institutionnelles

    • Généraliser le vote à la majorité qualifiée, et ne conserver le droit de véto que pour quelques domaines bien délimités. La règle de l'unanimité bloque toute avancée sérieuse et ralentit le processus de la plupart des réformes. C'est un point clé qui conditionne tous les autres.

    • Renforcer le rôle du Parlement en lui accordant, au moins en partie, la capacité d'initier des lois, et en le faisant élire sur des listes transnationales qui gommeraient quelque peu l'aspect trop national des représentations actuelles

    • Faire du Président du Conseil Européen une personnalité ayant un certain poids au sein de ce Conseil, au lieu de n'être qu'une simple fonction sans pouvoir réel.

    Mesures sociales et environnementales

    • Définir et financer un programme ambitieux relatif au réchauffement climatique et plus largement à l'environnement. On peut s'inspirer ici des propositions du « Pacte finance-climat », en y incluant des mesures de taxation aux frontières sur les produits ne répondant pas aux normes environnementales et sociales fixées par l'UE.

    • Poursuivre en l'accentuant le travail engagé pour rapprocher les législations des différents pays de l'UE en matière de protection sociale

    Mesures fiscales et budgétaires

    • Lutter contre les paradis fiscaux intérieurs à l'UE

    • Harmoniser la fiscalité du travail salarié

    • Renforcer les contrôles aux frontières de l'UE, doter l'UE d'une véritable organisation efficace, aussi bien pour les contrôles douaniers que pour l'accueil des migrants

    • Doter l'UE d'un budget propre, plus conséquent, assis sur un prélèvement direct et non sur des contributions des états

    Coopérations entre pays (ou régions) européens

    • Faciliter la mise en place de grands projets mobilisateurs de recherche ou industriels à géométrie variable : suppression des obstacles à la constitution de « champions » européens, se fixer des objectifs ambitieux dans certains domaines (Intelligence artificielle, industries numériques, ...)

    • Réaliser de grands projets institutionnels analogues à Schengen ou à la zone euro : Frontex, rapprochement France-Allemagne,...

    International

    • Etudier la constitution d'une force d'intervention extérieure comportant des contributions de l'ensemble des états européens, devant à terme se transformer en armée européenne sous commandement unique

    • Redéfinir le rôle et les pouvoirs du « Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité »



    Je vois que j'ai été aussi un peu long et même pas exhaustif...



    2
    Pierre M.
    Lundi 15 Avril 2019 à 00:57

    D’accord pour l’essentiel des remarques de Jean-Jacques. Cependant

    - La démocratie dans l’UE ? Je ne suis  pas un adepte du système référendaire (si la peine de mort avait été soumise à référendum elle ne serait pas abolie aujourd’hui), mais il existe et a été utilisé. Le plus grand déni de la démocratie a été le référendum sur le projet de Constitution européenne : rejeté par la France en mai 2005, puis par les Pays-Bas, sorti par la porte il est rentré sous une autre forme, par la fenêtre, par le Traité de Lisbonne trois ans après. Un comble : on a fait revoter les Irlandais – les  seuls à avoir ratifié ce traité par référendum – car ils avaient « mal voté » (c-à-d Non) la première fois ! Si ce n’est pas une façon de se foutre de la gueule des électeurs… (ce que ne font pas les Anglais aujourd’hui, à tort ou à raison). Après cela quelle confiance peut-on avoir dans les institutions européennes ?

     

    - Le fonctionnement de l’UE ?

    1. On ne peut tout de même pas s’en désintéresser.

    Certes il ne faut pas faire un faux procès à cette institution : elle a été essentiellement bâtie pour libérer les échanges entre Nations européennes, afin d’éviter que ne se reproduise le scenario protectionniste des années 1930 qui conduisit au conflit armé qui ensanglanta l’Europe. On ne peut donc pas lui reprocher son libéralisme. Par contre lorsque ce libéralisme devient dogmatique il se retourne contre l’Europe. Exemples récents : le refus du rapprochement Alstom-Siemens (pour la grande satisfaction d’un tiers intervenant chinois, CRRC), la mise en demeure d’ouvrir à la concurrence la gestion de barrages hydro-électriques, la mise en œuvre de l’Accord de Partenariat économique (APE) Union européenne – Afrique de l’Ouest qui va déconstruire le processus d’intégration régionale de ces pays…

     

    2. Beaucoup l’on relevé, une des principales tares du système provient de l’écartèlement entre les politiques : une politique monétaire sans politiques sociale, fiscale, etc. communes. On a mis la charrue avant les bœufs. On a résolu certains problèmes liés aux évolutions différentiées des monnaies nationales (les Montants compensatoires monétaires MCM) pour en créer d’autres.

     

    3. Toujours au niveau du fonctionnement, il y aurait beaucoup à dire sur le fonctionnement de la Politique Agricole Commune (PAC) qui ne peut plus faire abstraction de l’évolution du contexte international. Au vu des projets qui sont « dans les cartons » pour la réforme prévue en 2020 : sans doute moins de moyens et  tendance à une certaine « renationalisation ». Avec en perspective une augmentation des prix agricoles.

      • Lundi 15 Avril 2019 à 09:09

        Bien sûr qu'il y a des anomalies et des luttes de pouvoir au sein de l'UE, qui pourrait le nier ? Mais, comme tu le dis toi-même, il ne faut pas imputer tous les dysfonctionnements à la Commission : celle-ci ne fait qu'appliquer les Traités signés par tous les chefs d'état et de gouvernement. L'affaire Alstom - Siemens en est l'illustration parfaite, puisque la lutte contre les monopoles et la défense de la concurrence sont au coeur des traités. C'est ce genre de choses qu'une UE améliorée devrait commencer par modifier en y mettant les bouchées doubles.

    3
    Pierre M.
    Jeudi 18 Avril 2019 à 00:35

    Anomalies, luttes de pouvoir ? S’il ne s’agissait que de cela !

    Les beaux principes, les belles intentions, c’est une chose. La réalité est autre. La réalité c’est que le fonctionnement actuel de l’UE peut rendre sincèrement eurosceptique un pro-européen viscéral comme moi. Ce ne sont pas les idées qu’il faut juger ce sont les faits.

    J’ai déjà cité de exemples récents (affaire Alstom-Siemens, barrages hydroélectriques, APE Europe- Afrique de l’Ouest) ou la dérive de la PAC.

    Il y en a bien d’autres en matière de Recherche et Développement par exemple : non-respect (par l’UE mais – soyons justes – aussi par les Etats) de la stratégie décidée en 2000 à Lisbonne ; arrêt de la Cour de justice de l’UE de juillet 2018 qui –ignorant la réalité biologique – assimile la modification ciblée des génomes aux anciennes techniques utilisées pour la création d’OGM, laissant ainsi aux non-européens et en l’occurrence aux Chinois le quasi-monopole des développements futurs de la médecine et de l’alimentation humaine.(Jean-Yves Le Déaut – ancien président de l’OPECST –  l’a encore fortement rappelé hier après-midi dans une séance à l’Institut de France consacrée à la modification ciblée de génomes), etc.

    Ce sont plus que de simples anomalies, c’est une succession soir de positions dogmatiques, d’incompétence. Quand ce n’est pas de l’impuissance (par exemple en matière de politique extérieure). Je n’ose écrire de sabotage mais cela revient à cela.

     

    Jugeant à partir des faits, il faut se garder aussi de jugements négatifs à l’emporte-pièce. Il a été dit samedi en réunion que les Etats se débarrassaient des politiciens qui les gênaient en les envoyant à Bruxelles. Je connais au moins un contre-exemple, celui de Dacian Ciolos, ce « techno », francophone et très francophile, Commissaire européen à l’agriculture est revenu dans son pays, la Roumanie, pour occuper la place de Premier ministre (un « bon » Premier ministre même s’il a dû renoncer à cette fonction).

     

    Et puis il y a des initiatives positives (on avait aussi évoqué Galileo qui commence à être opérationnel)

     

    Dans tout cela comment trier le bon grain de l’ivraie ? Si seulement le futur Parlement pouvait pleinement jouer son rôle !

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