• Qu'est-ce que la conscience morale ?

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    1
    soulat
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:21

    pour essayer d'étayer les deux conceptions philosophiques dominantes qui s'affrontent :

    - l'une expose que la conscience morale a pour origine l'instinct ou l'irrationnel 'divin'

    - l'autre énonce que la conscience morale a la raison pour origine.

    on pourrait également aborder la réflexion 'avoir bonne conscience' dans le sens irréprochable, mais intimement lié à la personne qui le pense.

    la conscience professionnelle souci du travail bien fait avec le souci d'autrui dans le présent.

    la conscience collective par exemple liée au développement durable fondée sur la raison, avec le souci d'autrui dans le futur.

    2
    Pierre
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:21

    Le texte de Claude sur un sujet aussi complexe, est d’une grande clarté. Pourtant, il me semble incomplet. En effet il manque une approche scientifique à la question de la conscience morale : elle y est abordée d’un point de vue spiritualiste (voir la référence à la « nature spirituelle de l’être », les mentions faites de René Le Senne ou de Roland Dalbiez), voire psychanalytique. Il n’y a rien de condamnable, mais cela ne simplifie pas la compréhension du sujet : on explique un concept difficile à appréhender (la conscience morale) par un autre encore moins définissable (l’esprit, le surmoi). Une manifestation extrême de cette approche spiritualiste est à trouver dans l'Âtman, la conscience absolue de l'hindouisme ; ou bien encore l'hylozoïsme, doctrine qui considère que tout dans  l'univers est vivant et possède une âme.

    Toute autre est la démarche scientifique qui consiste au contraire à ramener le complexe inconnu à un connu plus élémentaire. C’est le célèbre « rasoir d’Ockham », du nom d’un franciscain du XIVe siècle, qui est en quelque sorte la règle d’or de la démarche scientifique. En langage moderne on peut le formuler ainsi : les hypothèses les plus simples sont les plus plausibles (ou plus sommairement, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?). Un des meilleurs exemples est celui de Laplace, une des figures marquantes du déterminisme, à qui Napoléon demandait pourquoi Dieu n'apparaissait pas dans son Traité de Mécanique Céleste et qui répondit "Sire je n'ai pas besoin de cette hypothèse". Hypothèse qui explique peut-être tout, mais qui permet de ne rien prédire.

    D’un point de vue scientifique, je ne ferai qu’évoquer les espoirs qu’on peut mettre dans le développement des neurosciences cognitives qui progressent à pas rapides et qui devraient apporter à plus ou moins brève échéance une véritable révolution copernicienne dans la connaissance du cerveau et de la pensée.

    Une approche plus classique consiste par exemple à s'inspirer de la démarche du naturalisme évolutionniste. Naturalisme, dans la mesure où l'on privilégie l'explication naturelle sur l'interprétation surnaturelle (c'est la démarche adoptée par les sciences de la nature). Évolutionniste, puisqu'on se situe dans le cheminement qui aboutit à l'apparition de l'humanité. Pour synthétiser cette démarche, on peut formuler quatre propositions qui ne devraient pas donner prise à trop de contestation.

    1. Il n'y a pas de conscience dans l'absolu, la conscience est toujours "conscience de quelque chose" (Husserl).

    2. Si l'on entend par conscience la capacité à appréhender les signaux internes ou externes à l'être, à les identifier, à les classer et, éventuellement, à réagir, la conscience est une faculté partagée par tous les êtres vivants. Même les plantes qui, agressées par des parasites, réagissent en secrétant des tanins qui les rendent moins appétentes, et/ou vont, en émettant des phéromones, jusqu'à attirer des prédateurs de leurs prédateurs, ou à prévenir leurs congénères.

    3. Conscience ne signifie pas conscience de soi ("je pense donc je suis"), encore moins conscience morale. Celle-ci serait la capacité de distinguer le bon du mauvais, le bien du mal, quels que puissent en être les différentes  conceptions, très évolutives dans l'espace et dans le temps.

    4. Le moteur de l'action du vivant est l'amour de soi (David Hume, J. J. Rousseau) – à ne pas confondre avec l'amour-propre – qui est un sentiment naturel qui conduit les individus à se préserver, à optimiser leur situation. Dans notre débat de samedi nous avons rencontré d'autres concepts allant plus ou moins dans le même sens : la volonté de puissance (Nietzsche) à laquelle on pourrait joindre la volonté de vivre (Schopenhauer), l'élan vital (Bergson)… C'est une sorte d'instinct de survie, le seul que l'homme partagerait encore avec le monde du vivant.

    Car – et c'est là la thèse centrale du naturalisme évolutionniste – c'est la disparition de ses instincts naturels qui a permis à l'espèce humaine d'acquérir cette conscience morale : pour survivre aux dangers que lui occasionnait sa rupture avec la nature et la perte de ses instincts de survie, il lui a fallu apprendre à distinguer ce qui était bon (pour lui et pour son groupe) de ce qui était mauvais. La distinction du bon et du mauvais, première étape avant la codification du bien et du mal. C'est la sélection qui a ensuite sanctionné,  par élimination ou par conservation, les bonnes et les mauvaises pratiques, non conformes au maintien de la vie.

    Cette approche, assez conséquente si on la rapporte à l'individu, est plutôt conforme à diverses hypothèses sur la construction des sociétés : ainsi Alain dans ses "Propos sur les pouvoirs" explique que la constitution des sociétés humaines proviendrait de la nécessité du sommeil (pour éviter de se faire tuer ou manger, il fallait bien que certains veillent quand d'autres dormaient). Ainsi peuvent aussi s'expliquer coopération, mutualisation, altruisme dans les sociétés animales (même chez certains organismes unicellulaires comme les amibes acrasiales chez qui, dans des conditions de stress alimentaire, certains individus se "sacrifient" pour assurer la survie des autres). En appui expérimental à cette théorie, les automates cellulaires permettent de reconstituer sur ordinateur, à partir de trois ou quatre règles de décision élémentaires, d'étonnantes propriétés émergentes (c.-à-d. non prévues dans les règles initiales) très semblables au comportement des êtres vivants (p. ex. dans les "jeux de la vie").

    Cette théorie, toujours sujette à réfutation comme toutes les théories scientifiques, a ceci d'intéressant qu'elle se nourrit de l'observation de la réalité et non de supputations sur de mystérieuses entités. Il reste qu'elle ne saurait tout expliquer : quels sont les fondements de la liberté et l'amour de soi, caractéristiques du vivant et sans lesquels la vie n'existerait plus sur notre planète ? Rien n'empêche alors, si on le souhaite, d'y voir la main de Dieu ou d'un Esprit.

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