• Le progrès est-il l'accomplissement des utopies ?

  • Commentaires

    1
    André
    Lundi 13 Février 2017 à 08:31

    Certes les utopies font rêver d'extraordinaires réalisations techniques qui changeraient nos vies. Oui mais comment? Imagions un instant que la technique soit mise au service d'un pouvoir totalitaire qui surveille tous nos faits et gestes. Le 19 éme siècle a été le siècle des utopies avec Fourrier, Proudhon, Godin, Bakounine, Marx et tant d'autres. Certaines ont abouties à des lendemains qui déchantent. Attention aux rêves, certains peuvent tourner cauchemar, l'enfer est pavé des meilleurs intentions.  

    2
    Pierre M.
    Lundi 13 Février 2017 à 18:41

    Quelques remarques à partir du commentaire d'André.

    1° Le XIXe siècle, siècle des utopies ? Il faut se rapporter aux faits. Dans sa liste des 1850 principales œuvres littéraires utopiques – liste qui s'arrête à 2002 – Michel Antony (académie de Besançon) en compte 766 pour le XXe  contre 522 pour le siècle précédent. Bien sûr la littérature ne couvre pas l'ensemble du champ de l'utopie ; bien sûr il faut tenir compte de l'explosion de l'édition ; bien sûr, à côté de l'utopie en écrit, il y a l'utopie en actes.

    Et que dire des utopies des Lumières du XVIIIe (utopie de l'encyclopédisme, de l'éducation, etc.) qui marquent encore profondément nos sociétés occidentales ?

     

    2° Y a-t-il vraiment un siècle de l'utopie ? En fait c'est là une aspiration naturelle chez l'homme. Elle ne s'est vraiment développée que lorsqu'on a pris conscience que le monde ne se réduisait pas au monde connu de l'Antiquité ("l'Utopie" date de 1516, la découverte de l'Amérique de 1492 ; d'ailleurs le livre de Thomas More est censé être le récit d'un explorateur). Il a fallu aussi que s'opère une révolution des esprits, sans doute à la Renaissance, pour que les individus soient délivrés du fatalisme du doigt de Dieu qui leur attribuait de la naissance à la mort leur place dans la société (roi, noble, serf…). Ce qui frappe c'est, à côté des œuvres littéraires, la multiplication de dissidences ou d'utopies d'origine religieuse (baptisme, évangélisme…), conduisant souvent à des révoltes sanglantes (anabaptistes, guerre des paysans allemands menés par le pasteur Münzer). On pourrait alors dire que c'est le XVIe siècle qui fut le siècle de l'utopie. On pourrait même remonter plus haut, jusqu'à Nicolas de Cues (XVe) qui légitima le droit à la diversité en admettant que l'unicité de la foi pouvait se concilier avec la diversité des rites. Pas d'utopie possible dans un monde figé.

     

    3° Au XIXe siècle, à côté des individus que l'on cite classiquement (Fourrier, Godin et autres), il ne faudrait pas oublier les mouvements collectifs, surtout présents en Suisse, Allemagne, Angleterre, et qui ont conduit à des réalisations concrètes importantes (mouvements coopératifs, mutualistes, syndicalistes) : banques Raiffeisen, pionniers équitables de Rochdale, owenisme… Certaines existent encore aujourd'hui, ce qui fait qu'on a oublié que ce furent des utopies.

     

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    3
    Lundi 13 Février 2017 à 20:26

    Le décompte du nombre d'utopies par siècle ne me semble pas du tout probant.. Toutes les utopies ne sont pas du même calibre. Disons que pour concevoir une utopie, il faut:

    --un niveau de formation assez élevé. Les esclaves n'y ont pas accès..

    --un niveau économique pas trop nul, car il faut du temps pour y penser.

    Donc les utopies ont mieux fleuri au 19 ème qu'aux siècles précédents. Au 20 ème, nous avons assisté à l'écroulement de l'utopie communiste, et nous allons bientôt voir que l'utopie libérale aura le même sort!

    Cependant, on trouve des utopies très anciennes. Je veux parler du christianisme, et son utopie de la charité (utopie toujours à réaliser!). Je pourrais citer le Bouddha, mais je ne connais pas assez.

    Egalement, Christophe Colomb était un utopiste: il imaginait qu'on pouvait passer par l'Ouest pour atteindre l'Est. De façon générale, les scientifiques ne sont-ils pas des utopistes nés?.

     

    4
    Pierre M.
    Mardi 14 Février 2017 à 00:17

    D'accord avec Benoît.. 

    Par ailleurs l'exemple de Christophe Colomb est éclairant. Il montre bien ce qui a été évoqué par plusieurs lors de la réunion : pour qu'une utopie se réalise il faut que que de nombreuses conditions favorables soient remplies. Ainsi le roi du Portugal, sollicité, n'a pas cru à ce projet. C'est finalement la reine d'Espagne, Isabelle, qui non sans difficultés a accepté de financer l'expédition. La seconde leçon qu'on peut en tirer, c'est le but atteint lorsque l'utopie est réalisée (le continent américain en l’occurrence) est rarement celui qui était initialement prévu (les Indes orientales).

    5
    charlotte
    Samedi 18 Février 2017 à 15:36

    La découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb ne faisait pas partie du programme d'Isabelle de Castille ( Souvent sur les chemins de la recherche  on  découvre l'imprévisible : c'est ce que l'on appelle la sérendipité.)... Alors peut-on parler d' utopie ?

    Pour tout dire, le grand Idéal (...ou utopie ?) d' Isabelle la catholique et de son époux Ferdinand II est de régner sur un peuple au "sang pur". Aussi,  en 1492, l' événement dont s'enorgueillissent la puissante reine et son époux (un rien falot)  est d'avoir enfin débarrassé le pays  des Maures  et des Juifs qu'ils appellent les morisques ( moricaud en français ) et les porcs ; ces gens sont  chassés "aux quatre coins de la terre*, obligés,  par d'efficaces tortures, à se convertir et surtout ils se font massacrer en grand nombre. A ce moment-là, les souverains ignorent encore que Christophe Colomb vient d'atteindre les rives du Nouveau Monde ; ils ne l'apprendront qu'une année plus tard, en février 1493, lors de son retour,  mais ils viennent de réaliser leur utopie (?), idéal (?): l'Espagne est un pays catholique au "sang pur" !   A l'annonce du retour de la  découverte du continent américain,  Isabelle considère que son pays est touché par la grâce de Dieu ( qui ne peut être que catholique, bien sûr !) et qu'elle est  récompensée par l'or des Amériques.

    Débarrassés de "la gangrène juive" et des maures, Isabelle et Ferdinand, bien qu'ils aient été tentés un moment de faire subir le même sort  aux Basques (qui sont pourtant de fervents catholiques),  vont aller jurer devant l'Arbre de Guernica** de respecter la liberté de ce peuple, celle de parler sa langue, ils jurent aussi que jamais ils ne feront lever d'impôts sur leurs provinces.  Ce serment et l'Arbre de Guernica deviennent pour L'Espagne et les Basques le symbole de la Liberté   ... et de le tolérance de leur bonne reine ! Il fut renouvelé régulièrement au cours des siècles et respecté jusqu'au lundi 20 avril 1937***, jour où la petite ville de Guernica fut bombardée par l'aviation allemande au service des nationalismes ; il y eut plus de 2000 victimes.

    * L'expression est malheureuse :  on a véritablement la preuve que la terre n'a pas de coins !

    ** c'est un chêne qui a plusieurs fois été remplacé au cours des siècles.

    *** L'œuvre de Picasso, comme on le voit, raconte une histoire qui vient de très loin.

     

    Je ne sais si ma réflexion a un rapport avec tout ce qui a été dit, mais ce sont les commentaires qui précèdent qui me l'on inspirée. Je suis sans doute un peu hors sujet. Et puis, lors du CD, Pierre posait la question : pourquoi tant de méfiance en l'avenir ? Il est vrai que la confiance n'est plus ce qu'elle était. Notre monde, celui de l'occident en tout cas, a vécu 70 ans de paix et soudain il devient trouble et inquiétant. Il suffit d'écouter jacques Attali et autres experts qui nous prédisent un conflit mondial avec des millions de morts. Alors, j'ai l'impression que nous allons tranquillement au marché, tout comme les gens se rendaient à Guernica, le matin du 20 avril 1937. C'est vrai qu'il est urgent de faire confiance en... QUI ? 

     

     

     

      

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :