• La vie est-elle un destin, ou une construction personnelle ?

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    Vendredi 10 Mars 2006 à 18:00

    Ne pouvant faire le voyage à Saint Quentin, j'aimerais toutefois participer au débat par un texte. J'ai essayé de ne pas faire trop long. Je ne sais pas si j'ai entièrement réussi. J'espère rester dans l'esprit de cette rencontre et je vous félicité, tant pour l'article que pour l'activité que nous menez.


    Notre vie est-elle un destin ou une construction personnelle?

     




     




     



       Husserl remarquait qu’il y a une profondeur et une radicalité dans le je pense de Descartes qui n’ont jamais été vues par ses successeurs (La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, Tel Gallimard, p.106). J’ai bien envie de dire que cette profondeur et cette radicalité ne semblent pas non plus avoir été saisies par Husserl. Dans le « je pense », que trouve-t-on en effet qui n’ait jamais été pensé ? Il s’agit du rôle exact joué par le « je » dans le « je pense ».

     




     



       Ce n’est pas le lieu de trop s’aventurer dans cette question. Je remarquerai juste qu’il n’y a pas d’instance du « je » sans une incarnation de ce fragment de grammaire dans la vie du premier venu, vous, ou moi. Cela fait apparaître, d’un côté, une radicale imprévisibilité : on ne peut évidemment penser d’avance tout ce qui va s’incarner sous ce signifiant. D’un autre côté, cela fait surgir un événement qui surprend radicalement. Cet événement est celui de mon surgissement propre. Par là je n’entends rien de maîtrisable, rien d’assimilable par quelque pensée que ce soit. J’entends le surgissement du vivant singulier que je suis. Je parle de surgissement pour décrire sa façon d’arriver vis-à-vis de la pensée. Il s’agit d’un mode radicalement dénué de logique. Aucun récit mythologique, métaphysique, transcendantaliste, phénoménologique, herméneutique ou scientifique ne peut maîtriser cette relation du moi que je suis à la possibilité qu’est la pensée. C’est dire que nous sommes dans un terrain entièrement sauvage, non seulement ultime terra incognita de la conscience, mais aussi lieu de pensées résolument surprenantes.

     




     



       Mais combien plus surprenantes alors apparaissent les pensées prêtes à surgir de ce phénomène qu’est ma vie ! La relation de moi et de la vie signale en effet dans le « je vis » le lieu et le temps d’un événement stupéfiant. Chaque humain a la possibilité d’envisager son existence comme un événement fondamental. On peut entendre par événement fondamental quelque chose qui arrive au monde avec un sens premier. Or notre arrivée au monde est bien événement en un sens premier. Nous entendons que des choses arrivent, que de événements se produisent, parce que nous sommes de prime abord des arrivants. Une part de la stupéfaction tient à ce que nous puissions alimenter en sens le sens entier du monde. Nous sommes portés par l’événement de notre propre existence et nous y trouvons de quoi comprendre l’événement de toutes choses. Mais je ne peux m’attarder sur ce point car la stupéfaction née du « je vis » est incommensurablement plus grande.

     




     



       Elle tient à la relation entre le seul moi actuel et la vie, entre moi à l’exclusion de toute autre et la vie. De quelle nature exacte est cette relation ou, si l’on veut, quel est cet événement qu’est ma vie, ma vie à moi ? Pour juger d’une éventuelle nature de destin de ma vie, il faut élucider ce qui se produit par ma naissance comme événement singulier.

     




     



       Pour le dire directement, il arrive qu’une conscience ouvre les yeux sur son propre fait et se découvre vivante. Cette conscience est moi. C’est donc moi qui ouvre les yeux sur mon propre fait et me découvre vivant. L’événement incroyable n’est pas exactement que je sois vivant, mais que je puisse ouvrir les yeux sur ce fait. Autrement dit, l’événement stupéfiant, c’est que je puisse me surprendre exister, comme si j’étais avant tout un pouvoir de me prendre moi-même sur le fait, sur le fait de vivre.

     




     



       Chacun ici pourra rappeler que conscience et conscience de soi sont des inventions de la vie elle-même. Les spécialistes des sciences cognitives et des neurosciences perceront peut-être un jour les processus vitaux qui permettent l’émergence de la conscience. Les psychologues éclaireront de mieux en mieux le rôle des facteurs environnementaux et culturels. Mais jamais on n’éclairera le fait d’une conscience de la conscience de ma vie, c'est-à-dire le fait que je puisse me surprendre vivre. Pour le dire autrement, si la conscience de la vie peut s’élucider, si le développement d’une conscience à partir de ses conditions vitales ou culturelles peut être déroulé en un fil, ou un entrelacs, de raisons, la remontée de moi au phénomène qu’est ma vie, demeurera à jamais une énigme.

     




     



       Or là est l’événement stupéfiant dont je tente de parler. Je tente de parler de ce mouvement inverse de la vie qui remonte vers ma vie. D’où peut-il bien remonter vers ma vie ? De moi, de ma conscience d’exister et d’être ici. C’est de là que je remonte au phénomène de ma vie. C’est un mouvement qui inverse le mouvement de toutes choses, de la vie, de la nature, de la culture, de la logique. Comment le présenter autrement que comme une surprise ontologique totale, comme une subversion de toutes choses ? De la même façon que le lien du je et de la pensée recouvre une relation en tout point sauvage de moi à la pensée, cet événement révèle une nature absolument sauvage, irréductible, inculturelle, non biologique de ma vie.

     




     



       A la lumière de cette conscience sauvage de mon existence, ma vie elle-même apparaît comme événement fondamental de nature subversive. Elle constitue une percée fracassante, illogique et alogique, une vague catastrophique, une turbulence insituable, une protestation par destination. Je ne peux pas être calmement au milieu des choses, j’y suis sur le mode d’une percée violente, d’une inquiétude impossible à apaiser, d’un sentiment de destination énigmatique.

     




     



       Ma vie est donc bien un destin, dans la mesure où je ne peux naître que marqué par une donnée énigmatique et catastrophique. L’énigme est d’être né, tout autant que de pouvoir remonter à cette énigme d’être né. La catastrophe est ontologique. J’ai déchiré l’être, la nature, la logique et la culture pour arriver ici. Ma percée s’entoure de turbulences et ne s’y apaise pas.

     




     



       Il est possible que le mythe d’Œdipe trouve là son explication. A sa naissance, le fils de Laïos est annoncé comme une catastrophe. Il tuera son père, commettra l’inceste avec sa mère. Au-delà du contenu légendaire, ce qui assure à Œdipe sa nature d’exception en humanité, de déviant formidable, c’est tout simplement sa naissance. Sa naissance est la catastrophe qu’il devra assumer et expier. Par là est expliqué la puissance de fascination de ce mythe : nous sommes tous, au fond, intimement au fait que notre naissance est catastrophique. Elle ne l’est pas au sens qu’entend Otto Rank dans Le traumatisme de la naissance. Ce n’est pas tant d’avoir été séparés d’une unité originelle que nous sommes traumatisés, mais bien d’exister tout simplement. Le traumatisme est que nous ayons pu être, qu’un phénomène comme nous ait pu voir le jour. Ce n’est pas l’événement mondain de notre naissance qui a ce goût de catastrophe, mais notre événement lui-même.

     




     



       Ma vie est donc, dans sa forme, un destin, puisque rien ne pourra étouffer cette donnée fondamentale d’être né, au sens d’avoir pu naître, au sens d’événement et de percée. Mais elle est tout autant destinale dans son contenu, puisque rien ne peut non plus entièrement effacer son goût de catastrophe, sa plénitude d’arrêt : il est arrêté que je suis, chaque instant décrète mon appartenance à la vie et l’accomplit. Chaque instant m’arrête et me suspend au fait de ma vie. Peut-être faudrait-il rappeler que l’idée de destin renvoie à une plénitude : tous les instants de ma vie sont occupés, exactement comme dans le temps d’une représentation dramatique. Rien n’assure plus la possibilité d’être acteur de sa vie que de sentir le goût de drame de toute vie. On sait que les stoïciens ont profondément entremêlé ces deux convictions, celle du monde comme théâtre et celle du destin. Vivre pour les stoïciens, c’est remplir son rôle au monde, au geste près, à la respiration près. Chaque moment devient essentiel, ce qui est proprement la plénitude. C’est précisément donc du fait qu’elle est destinale que notre vie a une forme et un remplissement, une plénitude de forme.

     




     



       Rien ne peut étouffer, effacer la nature de destin de notre vie. Rien ? Il reste à expliquer que cette nature puisse demeurer lettre morte, que notre vie puisse apparaître sous le signe de l’insignifiance ou de la vacuité. C’est d’ailleurs une nouvelle énigme : pourquoi chacun n’est-il pas au fait de sa nature destinale ? Pourquoi la plénitude de la vie ne saute-t-elle pas aux yeux de chacun ?

     




     



       Peut-être faudrait-il pointer une certaine conception de « notre vie ». Celle précisément que recouvre la métaphore de la construction. Cette métaphore voudrait que la vie soit quelque terrain à bâtir, quelque table rase où inscrire aventures, projets, passions. Elle revient à réduire notre enracinement vital à une somme de virtualités qui doivent passer à l’acte, au lieu de voir la vie comme une actualité toujours déjà inscrite en nous.

     




     



       On peut voir dans cette idéologie de la réalisation, de la réussite, quelque chose en effet comme un étouffement. Alain Ehrenberg a bien montré (L’individu incertain, Pluriel, Hachette, 1995, La fatigue d'être soi, Odile Jacob, 1998) la situation de malaise, voire de détresse de l’individu contemporain, sommé de mener sa barque, de construire le sens de sa vie, d’innover, d’être performant, de réussir. Il nous paraît clair qu’au niveau de l’idéologie de la réussite, de l’éthique d’entreprise, de l’atomisation de l’Homme, il se mène une attaque frontale contre l’humanité et ses vrais pouvoirs. Sorti de la métaphysique et des sirènes de la modernité, l’humain est à la veille d’une nouvelle émancipation. C’est précisément sur cette promesse d’un nouveau départ de l’Histoire que se concentrent actuellement les puissances de la régression.        

     




     



                                         

     



     

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    jean-jacques
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:24

    Je reprends d'abord ce que tu as dit dans ce texte et que je crois avoir compris :


    Le premier paragraphe reprend les questions de libre-arbitre, de conscience et de déterminisme, qui sont à la base des développements qui suivent. Tu as choisi d’approfondir, sous l’angle de la sociologie et de la psychologie, les conséquences modernes de l’option « Nous sommes libres, mais qu’est ce qui influence cette liberté ? »


    Sous l’angle sociologique, tu examines les facteurs collectifs qui peuvent influencer nos décisions : éducation, environnement socio-culturel, profession, religion, etc.


    Sous l’angle psychologique, il s’agit plus de regarder ce qui nous influence de l’intérieur : rôle de l’inconscient, dualité émotions-raison, fonctionnement du cerveau.


    La conclusion, sans revenir sur la question de notre réelle liberté, est d’ordre pragmatique : peu importe que nous soyons libres ou non dans l’absolu, il faut nous comporter comme si nous l’étions : il faut être lucide, conscient, et oser avancer dans la voie de la connaissance de soi pour être en accord avec soi-même.



     



    J’espère ne pas avoir travesti ta pensée dans ce résumé.  Au-delà,  ton texte fait naître chez moi plusieurs axes de réflexion, un peu contradictoires peut-être, mais que j’approfondirai plus tard, et qui vont sans doute un peu trop dans tous les sens :


    Sur le problème philosophique général de la liberté :

     



    -          sur la question de fond « sommes-nous libres ? », on peut mener un raisonnement logique tel que ce lui-ci :


    o        supposons que tout ce qui est matériel obéisse à des lois déterministes au sens de Laplace, et que « aux mêmes causes les mêmes effets ». Il en résulte que tout est écrit : si le monde n’est que matériel, nous ne sommes pas libres.


    o        inversement, si nous sommes libres, c’est qu’il existe en nous quelque chose qui dépasse le cadre matériel, la causalité pure. Affirmer sa liberté, c’est affirmer que le monde matériel n’est pas le seul.


    -          qui dit déterminisme et causalité ne veut pas dire forcément que « tout est écrit ». La conception mécaniste de Laplace est aujourd’hui bien dépassée, car on sait bien que ce n’est pas parce qu’on connaît au départ les positions et les vitesses de toutes les particules de l’univers qu’on sait en prédire l’état futur. La réalité ne se réduit pas à des questions d’interactions entre particules. On le sait bien aujourd’hui, ne serait-ce qu’au travers de deux exemples :


    o        le « chaos déterministe » : des équations très simples peuvent engendrer à terme des situations tout à fait imprévisibles, bien que le phénomène décrit obéisse à des règles causales ;


    o        le tout est supérieur à la somme des parties : la complexité matérielle des systèmes formés d’un grand nombre d’éléments permet l’émergence de phénomènes nouveaux ou de propriétés nouvelles qui n’existent pas si on se borne à faire la somme de leurs composants. Cette notion de complexité est aujourd’hui au cœur d’une réflexion très riche menée au sein de divers courants de pensée.



     


    -          nombre de décisions que nous sommes amenés à prendre montrent à l’évidence qu’un processus causal purement mécanique ne peut être l’élément moteur de celles-ci. Le hasard est au moins aussi présent à tout moment de notre vie. Et cela n’est pas forcément lié à un processus conscient inséparable de l’intelligence humaine : les animaux aussi prennent des « décisions » à tout moment. Souvenons-nous de l’âne de Buridan. Et du crime gratuit du héros des « Caves du Vatican ».  Ou plus simplement de ceci : j’ai un crayon devant moi, j’ai le choix entre le laisser où il est ou le mettre à  la poubelle. Il n’y a aucune raison objective, déterministe, pour que je choisisse plutôt l’une que l’autre des deux possibilités, je peux même me référer à un tirage au  sort aussi aléatoire que possible pour « décider ». Il n’y a ici aucun déterminisme, aucune causalité dans le choix que je ferai. Il y a donc des événements matériels qui ne sont pas redevables de lois causales, et il y a donc, soit une « liberté » qu’il faut essayer de traquer encore plus dans sa définition réelle, soit du hasard. Dans le second cas, on reste dans le monde matériel en rajoutant au déterminisme les lois du hasard, dans le premier cas il y a autre chose, qui dépasse le monde matériel, mais qu’on ne peut pour l’instant définir clairement.

    Sur le plan collectif

     



    Il est vrai qu’aujourd’hui notre liberté s’exerce dans un cadre beaucoup plus « permissif » que par le passé : il y a moins d’interdits dans tous les domaines, et par conséquent une plus grande variété de choix possibles. On n’est plus contraint par un environnement rigide, mais fondamentalement, cela ne change pas grand-chose : la vraie liberté est celle de penser comme on veut, la contrainte auparavant concernait essentiellement les apparences extérieures et la diffusion de cette pensée si elle n’était pas conforme au « socialement correct » ou au « religieusement correct ». On peut simplement aujourd’hui passer plus facilement de la pensée à l’acte qui la concrétise, alors que c’était plus difficile avant.


    Cependant, ce qui façonne notre manière de penser, c’est surtout l’éducation qu’on reçoit, et au-dessus de tout, les bases fondamentales reçues pendant notre petite enfance : langage, types de relations dans la société dans laquelle on naît et se développe. C’est tout ce qu’engrange le bébé dès qu’il ouvre les yeux, et peut-être même avant. On peut ressortir ici l’exemple de l’enfant sauvage, élevé hors de toute influence humaine dès sa naissance : jamais ensuite il ne peut acquérir le langage ni penser comme nous le faisons, alors que nous croyons que tout le monde acquiert cela instinctivement et naturellement, et que ce n’est en fait pas le cas.


    Au-delà, et pour rejoindre le thème du jour de la « construction personnelle », il faut à partir de ces bases communes à une société donnée, créer soi-même ce qu’on pense et ce qu’on fait, en exerçant toujours et partout esprit critique, lucidité, et remise en question permanente. Cela se fait par des choix, parfois difficiles, et l’acceptation de se voir tel que l’on est pour pouvoir progresser vers ce qu’on veut être.  Mais on touche alors un autre domaine, celui de la morale et du comportement personnel. Beaucoup trop de gens se contentent d’un profil moyen acceptable dans la société, et se voilent la face sur le reste parce que c’est, pensent-ils, plus facile à vivre : la conformité au modèle moyen général  est une attitude confortable et évite de se poser des questions, puisque aussi bien ces questions n’ont pas de réponse dans l’absolu et sont donc inutiles, sauf au travers d’une morale.


    Sur le plan individuel

     



    On rejoint ici le problème du corps et de l’esprit, avec les thèses matérialistes faisant de l’esprit une « sécrétion » du corps, et rien d’autre (thèses neuronales), ou du corps une machine informatique très perfectionnée, et les thèses associant le corps à « autre chose », l’âme par exemple, qui postulent l’existence d’un être en soi qui ne ferait qu’habiter un corps matériel et non en être le produit.


    Dans le premier cas, on a quand même du mal à imaginer un super ordinateur, aussi perfectionné soit-il, doté de conscience et de liberté de penser. On rejoint la question de la conscience et le mystère de sa nature. On en déduit aussi que les caractéristiques de cet être purement matériel dépendent fortement de la nature de ses constituants et de leur agencement, et la notion de liberté se rapproche alors  de celle de degré de liberté d’un système physique, c'est-à-dire rien de véritablement choisi, même si rien n’est déterminé à l’avance dans le détail.


    Dans le second cas, l’existence de cette « âme », ou de cet « élan vital » comme disait Bergson, est sujette à caution, car on ne peut rien en savoir objectivement, sauf à le postuler au travers des croyances d’une philosophie ou d’une religion. Elle suppose aussi la réalité d’un « être en soi », assimilable à notre « moi profond » ou véritable dont les journaux people font leurs choux gras : mon moi véritable n’est pas ce que vous voyez au travers de ce que je fais et de ce que je dis, lit on souvent sous la plume de ceux qui ont un peu honte de ce qu’ils font et se cherchent un alibi.  Et de nombreux charlatans viennent se greffer là-dessus pour vous aider à trouver ce moi profond, forcément plus beau et plus vrai.  Bien sûr, la découverte de la réalité de l’inconscient vient tempérer un peu la brutalité de ce qui précède, mais la nature de cet inconscient lui-même n’est pas très claire : est-il inné ? Est-il le fruit de multiples interactions physiques et psychologiques à un niveau sous-conscient, dès la constitution de l’embryon dans le ventre de sa mère ? Nul ne peut le dire aujourd’hui, et les théories de Freud et de ses disciples ne sont objectivement fondées sur rien de scientifique, même si on peut leur reconnaître dans beaucoup de cas une certaine efficacité thérapeutique, mais guère plus que la confession dans les pratiques du catholicisme.


    Conclusion

     



    On ne peut guère aller plus loin dans l’exposé des choses qu’on connaît de manière sinon certaine, du moins crédible. Le reste est affaire de croyance et de conviction personnelle.


    Toujours est-il que la phrase de Comte-Sponville nous montre la voie, et prolonge l’exclamation de Paul Valéry, qui réclamait « toujours plus de conscience ! » dans notre vie personnelle.

     


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    Sylvain
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:24

    Beaucoup de mots, des concepts qui s'appuient les uns sur les autres ou se repoussent comme les poutrelles d'un pont métallique.

    Si l'on marche sur ce pont, on ne voit pas bien la construction, mais la voie est tracée, il n'est pas besoin de réfléchir pour avancer. Plusieurs voies sur des constructions différentes sont possibles et chacun avance sur une voie.

    Quelques curieux, s'intéressent à la construction du pont. L'édifice est haut, compliqué. On peut passer sa vie a en étudier un fragment. On peut rajouter des étais, modifier des poutrelles. Cela devient un besoin, une joie, une raison de vivre.

    Mais l'étude montre sans arrêt de nouvelles énigmes, et il faut descendre le long des piles du pont, s'intéresser a des constructions plus sommaires, moins élégantes. On part à la recherche des fondations.

    L'air se refroidit, on pénètre dans un couche de brume, puis soudain l'eau, trouble, impénétrable, boueuse, froide, animée de remous violents. Elle génère une peur, un refus, l'esprit se raidit il ne veut plus , il n'accepte pas ce froid, cette humidité, il souhaite le retour vers la chaleur, la beauté de la construction.

    Certains restent là, prostrés, hypnotisés par le miroir changeant de la surface, ils ne reverront plus la lumière des cieux. Ils aimeraient aller plus loin mais la peur de ne pas revenir les tétanise. Certains se laissent mourir, d'autres plus nombreux remontent en gardant un souvenir lourd, souvent refoulé, enfoui au fond de leur mémoire.

    Parfois, quelques audacieux plongent la main sous l'eau. Il sentent les fondations; les piles continuent l'eau n'est pas si froide, quelques échelons sont accrochés sur les piles. Ils osent s'aventurer, en général sans espoir. Il descendent, ils ont oublié qu'ils sont sous l'eau, oublié qu'ils ne peuvent pas respirer.

    Ils touchent un fond solide, plat. Ils peuvent marcher, continuer à vivre, l'eau n'était qu'un reflet. Ils marchent, ils ne voient pas, mais comme le fond est plat il ne tombent pas. Ils avancent, zombis lents, dans un monde uniforme sur un sol lisse toujours non visible.

    L'opacité, diminuent, ce qui était de l'eau disparaît, la brume s'éclaircit. Ils voient le sol, noir, lisse, impénétrable, absolument solide. Ce n'est pas une construction humaine. Ils aperçoivent au loin la voie dont ils sont descendus, construction fine, légère, diaphane, elle semble si fragile de si loin.

    Ils rencontrent d'autres fous, descendus d'autres voies. Ils ont peu de mots à échanger, le paysage est monotone, leur voie d'origine leur semble si loin. Ils avancent , rassurés par ce sol solide. Plus de voie tracée, la direction de leur pas n'a plus d'importance. Ils profitent de la lumière, de la chaleur, la marche n'est même plus un effort. C'est un peu comme si le sol les entraînait. Ils sont plus spectateurs que acteurs.

    La curiosité, les questions qui les ont amenées ici n'ont plus d'importance. Ils sont arrivés et ils ne pensent plus beaucoup. Ils savent, que du haut des voies, ils sont vus comme des parias, des pervers, des monstres, mais tout cela n'a aucune importance. A chaque instant ils touchent leur réalité de leur pieds.

    Peut être que lassé de cet éternel horizon, ils construiront leur voie, ou juste une rampe d'accès sur une voie existante. Ils ne le savent pas et pour l'instant cela n'a aucune importance.

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    JérÎme
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:24
    Je découvre ce blog et ce commentaire. Je prends le risque de répondre et donc de penser.

    Sandra me laisse dans la confusion. Je vois un mélange de termes qui ont certainement une cohérence globale qui m'échappe mais dont la mise en relation ne me parait pas claire pour traduire l'opinion.
    Il était question de « destin » et de « construction personnelle ». 

    Dans le premier cas, pas de problème : l'homme est défini par ce qui lui échappe, son essence précède son existence pour aller vite (que Platon me pardonne ! Je sais que Transcendance ne signifie pas essence mais aujourd'hui, on confond tout !), si tant est qu'il puisse exister dans cette situation. Mais là encore nuançons : si des sociétés entières se sont construites sur l'idée de départ d'un destin, peu d'entr'elles considéraient ce destin comme absolu, sans marge de manœuvre. Il fallait des prêtres pour redonner du sens à ce destin face à un contexte qui leur échappait. C'est là l'intérêt de l'interprétation des textes et la mort des religions strictement construites sur « la lettre ».
    Ensuite, si destin il y a, il est souvent positif, c'est à dire inscrit dans un code de morale, qui vient construire la Cité. Or, il n'y a pire Destin chez  les Grecs que de descendre de Zeus.  Il voulait nous exterminer !  Seul Prométhée nous aurait sauvé.

    Dans le second cas, que dire de la « construction personnelle » ? Ce n'est pas clair. Sagit il d'un détour pour aborder le vaste thème de la liberté ? Et là on se trouve devant deux blocs : soit l'existence précède l'essence, dans ce cas, on repousse le problème à la question, qu'est-ce que l'existence ? Soit on reste dans le discours de l'autoconstruction, sorte d'autopoïetique par laquelle le langage façonne l'esprit et les actions. Platon, lui, envisageait sur ce point l'existence «d'un monde des idées»  qu'il reste à démontrer.
    Nous sommes encore dans l'impasse. Impasse dans la recherche d'une ontologie définitive, qui n'aboutit qu'à des raisonnements miroirs. Piège de l'intelligence. Culte de l'autisme.

    Peut-être que le problème de notre impossibilité vient justement de ce que l'on part d'un sens définitif du mot « homme ». On est prisonnier d'une recherche universaliste qui ne tolère pas la diversité.

    Vous partez de l'expression « sens premier » «se surprendre exister ». Mais là on se trouve devant une impossibilité

    Soit vous avez gardé un souvenir de votre venue au monde et dans ce cas, se pose le problème de l'évolution de votre cerveau, de vos relations à autrui et de votre éducation que vous éclipsez  pour aujourd'hui construire et affirmer après coup un tel raisonnement !

    Soit vous partez d'une expérience comparable à celle du réveil-matin. Et là vous ne parlez que de sensation. Je vous conseille Épicure. Lequel dépasse la question tout en l'intégrant « mens sana in corpo sano ».

     Puis-je conclure qu'il n'y aurait pas d« 'homme »  mais des hommes en relation ?  Il n'y a pas, selon moi, de « nature humaine » ou de condition déterminante, mais des contextes biologiques représentés qui se répondent, se transforment et parce que confrontés à du non-sens (le corps, la cellule restent à ce jour porteur de non sens), à du sens différent qui constituent autant de défi, régressent ou progressent. Et l'un des outils nécessaires à cette confrontation au réel  est le cerveau qui grandit, lequel est lié aux organes...etc. Mais l'homme n'est pas qu'un cerveau !  C'est de la mythologie moderne ! Autrefois mouton suivant son berger selon les chrétiens, je ne suis pas plus un mouton qu'une machine ou un simple cerveau de connexionniste.

    Le meilleur départ pour le raisonnement serait de nier toute possibilité de définition de l'homme. De rester modeste. De considérer toute théorie comme imparfaite, fragile, temporaire. Souvent, les processus de dominations partent d'une définition définitive de l'homme qui abouti à des catégorisations et ses exclusions génocidaires. (« Sous-hommes »,  «infra-humains...»)

    Partir du vivant pour expliquer l'homme n'explique rien pas plus que partir de la  « vie ». Partir de cette « conscience » (là encore, vaste question) de la vie pour expliquer l'homme ne répond qu'à une définition très restreinte de la vie - et encore, un scientifique répondra que la vie n'existe pas mais que seul demeure le vivant.  C'est partir d'une globalisation réductrice pour expliquer une partie. Si tant est que l'homme soit une partie de cette « vie ». Et faire partie, ne signifie pas nécessairement en découler. Nous pouvons n'être qu'un accident en supposant qu'il y ait un système global de vie. Ou être à l'inverse les survivants d'un phénomène général du vivant dont nous seuls sommes l'expression sur ce cailloux perdu de l'univers...

    Et parler de « conscience » pour attribuer à l'homme un destin est abhérrant : comment pouvez-vous affirmer que la conscience est le propre de l'homme ? Un zoologiste vous objectera que des formes de conscience animales sont plausibles et notre conscience réside plutôt dans notre limite -définitive ou temporaire- à les comprendre. Alors on anthropomorphise à l'excès ou on exclue. Déjà, penser l'altérité est un défi au cerveau.

    Aujourd'hui, encore, « destin ou liberté » sont les éléments de réflexion du pouvoir (Aïe !, encore une notion), et c'est le seul but de ce genre de réflexion. Selon l' approche de soumission à l'autorité que vous subissez ou souhaitez subir, le meilleur parti à tirer de cette réflexion est d'en connaître les tenants et les aboutissants au bon moment : se poser la question du pourquoi parler de destin et de liberté ? plutôt que qu'est-ce que c'est  ? est beaucoup plus pédagogique pour sauver votre peau ou votre dignité que de rentrer dans une recherche de sens qui n'est que légitimation de l'autorité qui en parle et qui s'enrichi à cultiver le non-sens en fin de course.

    Vous perdez du temps à chercher la Vérité Ultime. N'employez pas cette perte à la perte d'autrui.
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    Marei Odile
    Mardi 17 Juillet 2012 à 09:24

    A  Sancho et Jérôme

     



     Merci de vos commentaires. Je n’y réponds qu’aujourd’hui, faute d’avoir eu le temps de le faire plus tôt.

     



    De vos mots, je retiens

     




    • Surgissement du vivant et imprévisibilité. En effet il y a dans le vivant une force stupéfiante, une capacité de renouvellement, une ténacité, qui n’ont d’égales que sa fragilité.

       



    • La conscience = relation entre moi seul et la vie, que je puisse me surprendre à exister. En effet. La conscience est encore plus stupéfiante que la vie

       



    • Destin mais pas au sens de prédestiné. Plénitude de la vie… Ce serait le destin dans un sens noble, très positif…

       



    • La construction induit étouffement, détresse… l’individu contemporain, sommé de mener sa barque, de construire le sens de sa vie, d’innover, d’être performant, de réussir. Bien noté par Kaufmann, c’est « le revers de la médaille » que j’ai indiqué… Il me semble qu’il y manque le versant positif : le bonheur d’aller ne serait-ce qu’un peu, dans la direction que l’on a choisie

       



    • attaque frontale contre l’humanité et ses vrais pouvoirs, puissances de la régression. Là je ne vois pas du tout….

       





    • si des sociétés entières sont construites sur l'idée de départ d'un destin, peu d'entr'elles considéraient ce destin comme absolu, sans marge de manœuvre. C’est vrai, heureusement, et c’est comme ça qu’elles ont avancé, irrésistiblement

       




     

     




    • Que dire de la « construction personnelle » ? S’agit il d'un détour pour aborder le vaste thème de la liberté ?…. Piège de l'intelligence. Culte de l'autisme. Bien sûr pour la liberté. Pour le reste, je ne suis pas d’accord, je ne pense pas que pensée et intelligence soient purement illusoires

       




     

     




    • Puis-je conclure qu'il n'y aurait pas d’ « homme »  mais des hommes en relation ?  Ceci est intéressant, et bien connu maintenant : en effet l’autre est indispensable au développement humain, et c’est probablement une raison d’être de l’amour

       




     

     




    • Il n'y a pas, selon moi, de « nature humaine » ou de condition déterminante, mais des contextes biologiques représentés qui se répondent, se transforment et parce que confrontés à du non-sens (le corps, la cellule restent à ce jour porteur de non sens), à du sens différent qui constituent autant de défi, régressent ou progressent. Pourquoi du non-sens ? Ce n’est pas parce qu’on ne le comprend pas que c’est du non-sens. Je suis personnellement très attachée à y rechercher du sens justement.

       



    6
    pheobe
    Samedi 24 Février 2018 à 07:47

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