• La montée des régionalismes : vers la fin de l'État-nation?

     

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    morizur charlotte
    Jeudi 24 Mars 2016 à 16:25

    Je regrette beaucoup, Tan, de ne pouvoir être présente lors de votre présentation. Ce thème m'intéresse vivement. Pourrons-nous en avoir un compte-rendu ?

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    Pierre M.
    Mardi 29 Mars 2016 à 00:58

    Cette intéressante séance, focalisée en principe sur le thème du régionalisme, fut très marquée de références à la Nation, à l'Etat-Nation et au nationalisme. Mais ce n'est pas la seule manifestation de la place prise aujourd'hui par cette idée. Sans parler de l'importance qu'y attachent les populistes d'extrême droite, pas seulement européens, de nombreux mouvements d'opinion s'emparent de ce concept. Ainsi, il y a peu, Wolfgang Streeck, sociologue très éloigné des idéologies d'extrême-droite, auteur du best-seller récent "Du temps acheté", publiait un article traduit sous le titre "Vive l'Europe des Nations" ("Le Monde", 4/03/16). On peut multiplier les exemples.

    En ce début de XXIe siècle, il peut sembler étonnant de voir réapparaître ce vestige tribal qui atteint sa pleine puissance au XIXe et au XXe  siècle. Comme l'étymologie de ce terme l'indique, il désigne initialement l'appartenance à un groupe d'individus qui se reconnaissent une communauté de "naissance". Un historien comme Joseph Morcel voit une étroite connexion  entre nationalisme et médiévalisme, "une instrumentalisation du Moyen Âge à des fins de justification contemporaine" : passées les grandes invasions, l'enracinement des populations dès le Haut Moyen-Âge a donné naissance à des populations homogènes (Francs, Hongrois, Bulgares, Anglo-Saxons, Normands…) qui ont généré des mythes et auxquels se sont référés intellectuels et politiques lorsqu'on a redécouvert l'Histoire. (Voir aussi les travaux de Norbert Elias : "les gens ont besoin de mythes, mais pas pour régler leur vie sociale"). Cette instrumentalisation du passé, puissant facteur d'intégration collective, a été le levier des guerres de libération et d'indépendance en Europe puis dans les anciennes colonies. Mais, plus près de nous, il a hélas été cause d'atroces guerres, en Europe comme ailleurs.

    Ce n'est pas faire injure à quiconque que d'affirmer que ce concept est réactionnaire (réactionnaire/progressiste : c'est affaire de tempérament ou de conviction, il n'y a pas nécessairement une connotation péjorative attachée à ces qualificatifs). Réactionnaire, en ce qu'il idéalise une certaine vision du passé. Est très significative la seule référence faite à Jacques Bainville, historien lucide certes, mais nostalgique de la monarchie. Avec la montée de la mondialisation, de la globalisation, de différentes formes d'impérialismes, on aurait pu penser que ce concept historiquement dépassé avait perdu de sa force de séduction. Pourtant il n'en est rien. Pourquoi ?

    Il ne semble pas douteux que tout ceci est à mettre en relation avec la situation de crise ressentie dans nos sociétés contemporaines. Notamment crise de l'Etat et crise de la politique. Après la faillite (faillite sanglante) des idéologies messianiques qui ont sévi au siècle précédent, on n'a plus de repère pour la conduite des affaires du monde. Le modèle de l'Etat westphalien, vieux de près de 370 ans a fait son temps : bridé en Occident par les pouvoirs économiques, il manifeste son impuissance ; imposé par les puissances européennes dans les autres pays du monde qui n'avaient pas les mêmes traditions historiques, ni les mêmes pratiques culturelles et sociales, il est en grande partie cause des troubles graves que l'on observe aujourd'hui (au Moyen-Orient notamment).

    Il importe donc de s'interroger sur cette faillite des Etats et des politiques publiques. Pour ne pas être trop long, je me contente de renvoyer à des auteurs contemporains : Pierre Bourdieu qui a pensé l'Etat comme le lieu devenu indispensable pour la mise en ordre de la société et surtout à Michel Foucault qui avec son concept de "gouvernementalité" a permis l'analyse de l'évolution des relations entre Etat et société. Enfin il faut citer le dernier ouvrage de Pierre Muller, le meilleur connaisseur français en matière de politiques publiques : "La société de l'efficacité globale"(oct. 2015). Il est bien difficile de résumer en peu de lignes ces idées complexes. En bref (c'est presque une caricature) on constate que l'Etat moderne ne peut plus gouverner en prenant ses références dans le prolongement de la souveraineté divine, dans des mythes symboliques (la Nation en est un) ou dans les lois de la nature. Il doit les trouver en lui-même : les sociétés sont devenues autoréférentielles (dans la façon dont elle se pense) et autoréflexive (la façon dont elle agit sur elle-même). Pour P. Muller l'incapacité croissante du politique provient d'une crise d'intelligibilité des acteurs de la politique dû à des décalages de la façon de penser le monde en évolution.

    Mais c'est tellement plus facile de développer les théories du complot qui ne peuvent être évités que par un repliement national (c'est la faute aux judéo-maçons, aux bolcheviks, aux patrons voyous, aux gnomes de Bruxelles, au grand capital, aux syndicats, etc.) !

     

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    Nidal
    Mardi 29 Mars 2016 à 11:34

    Tan, ton intro a un parti pris très fort pour le souverainisme au nom de cette entité abstraite qu'est la Nation, que tu vénères tel un totem.

    Cette charte des langues régionales ne peut-elle pas être vu comme une revanche du "pays réel", pour rependre l'expression de ton cher Maurras, contre cette puissance ethnocidaire qu'est la Nation, qui uniformise les hommes sans véritable raison?

    Tu vénères la Nation abstraite alors qu'elle n'est qu'un sentier vers un totalitarisme politico-culturel, dont ont souffert les Bretons, les Basques et bien d'autres. 

    Je me méfie des souverainistes à ta sauce car ils sont les compagnons de route d'un nationalisme abstrait qui penche structurellement pour l'ethnocide. ça ne te dérange pas que très peu de Français de longue date ne parlent plus breton, tzigane, chtis, créole...? Au nom de quoi? De la solidité d'un Etat-Nation qui impose une uniformisation de ses sujets dans quel but?

    Le souverainisme politique est un combat tout-à-fait honorable (ne pas se faire dicter les lois par l'extérieur), le souverainisme républicano-identitaire est un totalitarisme soft, un polpotisme culturel car il restreint la pluralité des modes de vie, dont des libertés individuelles et collectives.

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    Tan
    Mardi 29 Mars 2016 à 20:14

    "La nation est réactionnaire", voilà un des plus grands contresens contemporains. Je rappelle que la nation est pour le moment la communauté la plus élargie où a pu s'exercer un peu de démocratie. Tout système politique supranational (URSS hier, UE aujourd'hui) a toujours fini par révéler son visage autoritaire et antidémocratique. Je rappelle par ailleurs que les soldats révolutionnaires de Valmy vainquirent les armées des monarchies européennes liguées contre eux aux cris de "Vive la nation !"

     

    Je m'étonne ensuite que la référence à Jacques Bainville ait pu, me semble t-il, jeter un tel malaise lors du débat. Oui Bainville était monarchiste, oui il a fait partie de l'Action française de Maurras. Mais je rappelle qu'il est mort trop tôt pour qu'on puisse lui reprocher une quelconque accointance avec la collaboration. Je rappelle aussi que beaucoup de membres de l'Action française avaient rejoint la résistance, tandis que dans le même temps, nombre de personnalités venues de la gauche pacifistes choisirent la voie de la collaboration. Il serait peut-être temps de sortir de cette dichotomie qui veut que la gauche aurait résisté et la droite collaboré. La réalité historique est plus complexe que ça.

     

    Quant à l'accusation de complotisme à mon encontre ("c'est la faute aux judéo-maçons, aux bolcheviks" ???????), je la réfute, d'autant plus que je ne saisis pas bien en l'espèce en quoi mon raisonnement serait complotiste. Je fais aussi part d'une certaine irritation car il me semble que l'accusation de complotisme est un nouvel anathème qui sert surtout à disqualifier ceux qui auraient une pensée trop hétérodoxe. Si toute critique contre l'Europe est assimilée à un complotisme ignoble, alors autant considérer qu'on n'a pas d'autre choix que d'approuver béatement cette construction européenne dont tout le monde voit pourtant bien qu'elle dysfonctionne complètement.

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    Pierre M.
    Mercredi 30 Mars 2016 à 00:33

    Est-il possible d'avoir des échanges sereins ?

    Il me semble que la critique des idées n'est pas nécessairement celle des personnes qui les développent. C'est mon droit de penser que cette idée de Nation qui était "progressiste" au temps des soldats de l'an II, est aujourd'hui "conservatrice" dans la mesure où, le contexte ayant changé, les solutions apportées aux problèmes de la société ne sont pas nécessairement celles qui s'imposaient il y a quelques siècles. Peut-être ai-je eu tort d'utiliser le qualificatif de "réactionnaire", car il est – à tort – chargé d'une connotation négative. Mais il me semblait mieux caractériser ce retour au passé que celui de "conservateur" qui exprime le refus de tout changement. Je ne pense pas avoir critiqué Bainville (que je qualifiais de lucide), mais il est le parfait exemple de ce désir de retrouver les valeurs dans le passé. Ce n'est pas rédhibitoire, c'est une opinion qui en vaut d'autres, mais qui n'est pas universellement partagée. Dans cette ligne de pensée d'ailleurs on peut trouver des idées intéressantes chez d'authentiques contre-révolutionnaires comme Bonald (qui préconisait une Déclaration des Devoirs de l'Homme), ou surtout de Joseph de Maistre (qui fut probablement un des précurseurs de la réflexion politique contemporaine).

     

    Il ne faut pas non plus caricaturer. Personne n'a jamais dit que la Résistance était le seul fait de des hommes de gauche et la collaboration celle des hommes de droite (on a d'un côté les exemples de Déat et de Doriot, de l'autre  ceux du colonel de la Rocque ou d'Henri Frenay).

     

    Peut-être n'aurai-je pas dû non plus évoquer la "théorie du complot". C'est un terme imagé qui qualifie le fait de rechercher à l'extérieur ce qui dysfonctionne à l'intérieur. Ce n'est pas une façon correcte d'aborder l'analyse d'un système organisé quel qu'il soit : que ce soit pour un moteur de voiture, un organisme vivant, une société, la démarche pertinente consiste à commencer par étudier comment fonctionnent entre eux les éléments de ce système. Et ensuite seulement les interactions de ce système avec l'extérieur. Quand je vois écrit par exemple dans l'intro au débat "Le but de cette balkanisation étant au final la destruction de l'échelon national afin d'assurer la mainmise de la domination impérialiste sur les peuples", comment ne pas conforter mon diagnostic de complotisme ? Il y a peut-être une part de vrai, mais ce n'est qu'en dernière analyse qu'on peut admettre cette hypothèse. après l'avoir vérifiée.

    Là encore dans mon énumération (j'aurais pu y ajouter les Illuminati), je ne visais personne en particulier. C'est seulement le constat que, par solution de facilité, par penchant idéologique, ou pour toute autre raison avouable ou moins avouable, on a toujours tendance à chercher ailleurs.

     

     

     

    Cela n'empêche que je suis entièrement d'accord sur l'idée du dysfonctionnement de l'institution européenne, au moins pour ce qui concerne la PAC, sujet que je connais peut-être le moins mal.

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