• La fiscalité est-elle un instrument de justice sociale ? Fraude et fiscalité : que faire ?

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    1
    Pierre M.
    Samedi 27 Février 2016 à 15:22

    Lisant avec quelque retard ce texte sur la fiscalité, je suis très impressionné. C'est une fiche magistrale qu'il faudrait conserver par devers-soi lorsqu'on veut dialoguer sur cette question. Il existe tant d'a priori et d'idées fausses, de données erronées, sciemment ou inconsciemment véhiculées !

     

    Je voudrais seulement émettre quelques réflexions complémentaires à propos du caractère juste ou injuste d'une politique fiscale. Qu'est-ce qui est juste en la matière ? Tout dépend de la fonction qu'on veut assigner à la fiscalité, car celle-ci peut viser différents objectifs. Celui auquel on pense évidemment en premier – et qui est sans aucun doute  le plus important – c'est de fournir des ressources aux pouvoirs politiques établis, aux Etats. Que ces ressources soient utilisées pour des causes justes ou injustes est une autre affaire. Mais la fiscalité, surtout à l'époque moderne, peut avoir bien d'autres fonctions. C'est en effet un outil très puissant d'orientation des politiques publiques. Elle peut ainsi avoir une fonction sociale en réduisant par exemple les inégalités de revenus (progressivité des impôts, exonérations sélectives, impôt négatif). Elle peut aussi inciter les agents économiques à adopter certains comportements ou en dissuader d'autres, par exemple en concrétisant le "principe pollueur-payeur". On peut également – exemple récent – accroître la fiscalité du foncier non bâti pour inciter les propriétaires à livrer leurs terrains à la construction. Est-ce juste, injuste ? Cela dépend des points de vue et des intérêts en présence. Autre exemple en matière de santé publique : les taxes anti-tabac. Est-il juste ou injuste de favoriser l'intoxication des plus riches ou des frontaliers qui ont moins de problèmes financiers pour se payer leurs paquets de clopes ?

    Les quelques exemples précédent montrent que les finalités fiscales sont multiples et souvent contradictoires : l'efficacité d'une fiscalité dissuasive doit conduire à sa disparition ! S'il n'y avait plus de fumeurs on n'aurait plus de taxe sur les tabacs.

     

    Un mot doit être dit de la politique énergétique menée depuis trois-quarts de siècle. Le fait de brader à vil prix des ressources énergétiques non renouvelables (charbon et surtout pétrole) pour les usages les moins nobles (la transformation en énergie est la dégradation le plus extrême de la matière) a conduit aux crises que nous vivons actuellement, crise de l'emploi (par substitution effrénée d'un capital devenu moins coûteux à la main d'œuvre), crise écologique dont le réchauffement climatique n'est qu'un des indicateurs. Le scandale de l'essence pas chère n'est pas perçu de nos concitoyens dont le mode de vie s'est fondu dans le moule de cette réalité. Les taxes sur l'énergie, scandaleusement trop faibles au regard de la réalité planétaire, sont perçues par les consommateurs comme une injustice, du racket (exploitation de "vaches à lait"). Ils n'ont pas tout à fait tort : la TICPE (ex TIPP) n'a pour effet ni de dissuader à consommer des produits pétroliers, ni un objectif de durabilité forte (impossibilité de reconstituer ce qui est consommé), ni vraiment de durabilité faible (en consacrant la totalité du produit des taxes à la recherche d'autres alternatives) ; ainsi une partie de cette taxe tombe dans le budget général des régions.

    On peut certes améliorer le système fiscal actuel comme il est très bien expliqué dans le texte de M. A. Obadia. Quelques autres suggestions peuvent être faites comme de prélever là où elles sont créées les plus-values des valeurs mobilières c'est-à-dire dans l'entreprise, avant qu'elles ne s'évadent par des voies diverses et variées. Et bien sûr il ne peut y avoir d'Europe économique viable sans harmonisation rapide et énergique des politiques fiscales, dont les disparités constituent des manœuvres de distorsion de concurrence, voire de dumping. Depuis le temps qu'on le répète !

     

    Mais surtout il faudrait en appeler à une modification drastique des principes même de la fiscalité; C'est à quoi nous incitait notre regretté ami Jacques Weber lorsqu'il est venu au CafDéb' en avril 2011; Il s'agirait tout bonnement de rendre " plus coûteux les comportements jugés contraires à l'intérêt général et plus profitables ceux qui y sont conformes. En l'occurrence, en remplaçant les taxes sur le travail et l'outil de travail par des taxes sur les "consommations de nature".

    Voir http://quentin-philo.eklablog.com/compte-rendu-du-debat-introduit-par-jacques-weber-02-04-2011-a47606465

     

    Serait-ce suffisant pour garantir une justice sociale ? Mais la justice sociale est-elle un objectif universellement admis ? On peut en douter. Si un libéral comme John Rawls décline en trois principes bien connus les conditions d'une nécessaire justice (liberté égale pour tous, chances égales pour tous, maintien d'inégalités au profit des plus défavorisés), les néolibéraux (dans la tradition d'Hayek) et les modernes ordo-libéraux d'inspiration allemande sont convaincus du contraire. Considérant que la théorie sociale conduit au totalitarisme politique en niant le pluralisme de la société, ils estiment que la liberté économique la plus totale et les mécanismes du marché sont les seules formes d'organisation sociale valables. En conséquence, plus de justice sociale = moins d'impôts, voire pas d'impôts du tout. On aurait tort de se gausser – avec toujours les mêmes arguments-bateaux du néo-libéralisme : c'est une doctrine très consistante que Michel Foucault a pris très au sérieux. Pour autant on peut s'inquiéter des ravages qu'elle produit. Ne serait-ce – sujet sous les feux de l'actualité – qu'en détruisant l'agriculture européenne.

      • NININAHAZWE
        Vendredi 1er Février 2019 à 14:09

        Mermerci pour cette information, à mon avis, la justice sociale est nécessaire pour qu'il y ait équité

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    2
    Pierre M.
    Vendredi 1er Février 2019 à 14:54

    Sur ce sujet je signale la parution récente en livre de poche d’un écrit de Muhammad Yunus (prix Nobel de la Paix 2006) "Vers une économie à trois zéros :zéro pauvreté, zéro chômage, zéro empreinte carbone", Le Livre de poche, 350 p., janvier 2019, 7,70 €). Voir notamment son chapitre 3 : "Zéro pauvreté : mettre fin à l’inégalité des salaires". 

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