• Comment perçoit-on le rire aujourd'hui ?

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    soulat daniel
    Mardi 19 Février 2013 à 18:52

    1/ Pour apporter des éléments complémentaires au texte de Nadia : Chez les grecs, Aristophane brillait dans le genre comique avec ses caricatures. Au moyen âge le genre du théâtre comique dès le XIIIe siècle, notamment avec la farce de maître Pathelin faisait rire sur les places publiques. Molière XVIIe, s’inspira des farces dans ses grandes comédies. Ensuite je m’appuierai sur le livre « Le rire » essai sur la signification du comique de Henri Bergson (plutôt orienté moquerie) : Le rire se situe au croisement de la fantaisie et de l’esprit de sérieux. Souffrir ensemble est un lien, rire ensemble en est un autre. Se moquer de quelqu’un revient à l’intégrer mieux encore dans la communauté. Le rire adoucit momentanément notre tristesse et nos angoisses. Selon Bergson, ce qui produit un effet comique, c’est tout ce qui dans une personne vivante, fait penser à un mécanisme inanimé, ainsi le rire s’apparente à un dérèglement mécanique de la vie. Un corps qui oublie la vie, se comporte mécaniquement : il devient drôle. Pour comprendre le rire, il faut le replacer dans son milieu naturel, qui est la société.


    User d’un artifice en épaississant le problème, en grossissant l’effet jusqu’à rendre visible la cause. L’art de la caricature est de saisir ce mouvement parfois imperceptible, et de le rendre visible à tous les yeux en l’agrandissant. Imiter quelqu’un c’est dégager la part d’automatisme.


    La distraction par opposition à l’attention, enfin l’automatisme par opposition à l’activité libre, voilà en somme ce que le rire souligne et voudrait corriger. Peigner moi un défaut aussi léger que vous voudrez, si vous me le présentez de manière à émouvoir ma sympathie, ou ma crainte ou ma pitié, c’est fini, je ne puis plus en rire. Choisissez au contraire un vice profond, vous pourrez le rendre comique si vous réussissez d’abord par des artifices appropriés à faire qu’il me laisse insensible. Il ne faut pas qu’il m’émeuve, voilà une condition nécessaire. Le rire à justement pour fonction de réprimer les tendances séparatrices. Son rôle est de corriger la raideur en souplesse.


    2/ De Frédéric Lenoir ‘petit traité de vie intérieure’ chez Plon p170-171 : « en riant d’une réalité tragique, nous ne modifions certes pas la réalité, mais nous transformons la perception que nous en avons. Par ce regard décalé, nous nous libérons du caractère insupportable de cette situation ». Un certain nombre de traditions spirituelles ont intégré cette dimension dans leurs enseignements, puissant dans l’humour des réponses aux défis de l’existence. Ainsi, Nasr Eddin Hodja, ce personnage célèbre dans le monde musulman, est un faux naïf, sujet de blagues bouffonnes. Les anecdotes dont ce personnage est le héros sont souvent issues des milieux soufis et font partie de l’héritage et de l’enseignement de grands maîtres spirituels, à travers des contes qui transmettent des messages de grande profondeur. Exemple : http://www.antiochus.org/article-le-calife-le-grand-vizir-et-le-mendiant-conte-soufi-78579092.html


    3/Rire : la définition de A. Penjon : « Cette brusque intervention, qui dérange le convenu, qui bouscule l'ordre et introduit un pur jeu là où le sérieux se croyait sûr de durer, voilà, si je ne me trompe, où trouver la source profonde du rire.» (Le rire et la liberté, Revue philosophique, 1893).


    4/ Actuellement en 2013, il y a de plus en plus d’artistes comiques, cela correspond à une attente du public, mais sorti des salles de spectacle, chaque individu replonge rapidement dans la morosité, les manques de lieux de réunion en dehors du travail, par exemple place du village, accélération de la vitesse, connexions en tout genre au détriment de la communication interpersonnelle, tensions professionnelles faisant disparaître les collectifs de travail, e t c, y sont peut être pour quelque chose, pourtant le rire est un excellent exutoire, mais il a comme obstacle la susceptibilité par rapport à : l’humour, l’ironie, la moquerie, la comédie, les farces, la satire, le sarcasme.


    Citations : Le contraire du rire n’est pas le sérieux, c’est la réalité. Hegel --    Le rire est une chose sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter. Devos    --      J’ai décidé d’être heureux, parce c’est bon pour la santé. Voltaire

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    Pierre M.
    Dimanche 3 Mars 2013 à 23:40

    Sans avoir pratiqué le Yoga du rire, je ne doute pas qu'il puisse procurer les bienfaits, physiques, physiologiques et psychiques, décrits. C'est une technique parmi d'autres, mais – a priori – une technique plaisante. Ainsi, pour stimuler la sécrétion d'endorphines on peut aussi courir le marathon. On arrive ainsi à l'extase par la douleur, au point que certains en deviennent accros. Entre les deux je préfère rigoler un bon coup. Les voies, sinon de la perfection, du moins du perfectionnement de l'être sont légions, de même qu'il existe plusieurs voies pour parvenir à un sommet. Chacun est libre de son itinéraire, mais il ne peut pas les emprunter toutes à la fois. Parmi ces voies qu'on peut qualifier de non conventionnelles, il y a par exemple le chant et la danse des soufis – la danse tant exaltée par Nietzsche, voir son "Zarathoustra –, et toutes les autres pratiques, physiques et/ou mentales, conduisant à des états modifiés de la conscience (les différentes variétés de yoga, méditation, transe chamanique, voire… "fumette").

    Ce n’était pas dans le sujet (dommage car ça me parait important) : la fonction sociale du rire. Le rire est un espace de liberté et donc subversif par nature. Il a aussi une fonction cathartique.

    - Subversif : c'est très bien exposé dans l'ouvrage d’Umberto Eco (et le film) “Le nom de la rose”, l’histoire du vieux prêtre qui tue des moines et fait brûler la biblio où se trouverait le dernier exemplaire du second livre disparu de la “Poétique” d’Aristote, livre dans lequel aurait été réhabilité le rire. Son motif pouvait de résumer ainsi : le rire chasse la peur, notamment la peur du Diable, sans peur du Diable plus de foi en Dieu.

    - Cathartique : dans la discussion on a évoqué le rôle du bouffon, je n'y reviens pas. Il faudrait aussi mentionner, les moments de défoulement collectifs (saturnales dans l'antiquité, carnavals, etc.). Ces manifestations peuvent être instrumentalisées par le pouvoir : il est permis de dépasser certaines limites, mais pas toutes (voir le limogeage de Stéphane Guillon de la radio). Le sport collectif (les jeux antiques) ont le même pouvoir cathartique, si ont sait bien les contrôler : il y a eu un match de foot entre le Honduras et le Salvador qui a fini en guerre dans les années 60 !

    Enfin, une petite remarque de détail : sans avoir lu le “Que sais-je ?” en question, sans être spécialiste en histoire ancienne, je suis très étonné d’entendre dire que le rire était mal considéré dans l’Antiquité. La comédie était un des arts reconnus et était personnifiée par une des neuf muses (Thallie). Je me demande si ce n’est pas là une affaire de divergence de sources : comme de nos jours les opinions publiques étaient très partagées sur tous les sujets (c'est plus "noble" de s'ennuyer devant une tragédie que de se tordre de rire devant une grosse farce). Ainsi Aristophane était-il un auteur comique très apprécié de son temps et, ses pièces, en dépit des conventions scéniques de l’époque, ont gardé tout leur pouvoir comique. Mais voilà : Aristophane, contemporain de Socrate, l’éreintait dans une de ses pièces (“les Nuées”) en le présentant comme un petit bonhomme chauve et ridicule. Platon, disciple de Socrate, lui a rendu la pareille. Et Aristote, autre "intello" fameux, portait un jugement sévère sur la comédie. Mais d’autres philosophes pensaient tout autrement : bien avant lui, Démocrite, célèbre certes pour son atomisme matérialiste, était connu aussi pour ses crises de fou-rire. Tout le contraire de ce “pisse-froid” d’Héraclite.

    Comme je le signalais plus haut, il me semble qu’il y avait à Athènes et à Rome des jours de franche rigolade programmée comme les Saturnales. Nos Carnavals en sont des descendants.

    3
    Mercredi 16 Avril 2014 à 19:24

    Très intéressant, bon rire à tous.

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