• C.R. du débat du 4 Février 2017: Le progrès est-il l'accomplissement des utopies ?

    Le progrès est-il l'accomplissement des utopies ?

     

    Synthèse des échanges de la séance du 4 février 2017 (en réunion et par courriel)

     

    Exposé préliminaire : l'approche utopique aujourd'hui.

    Les hasards de l'actualité, économique ou politique, font que cette question est très à la mode aujourd'hui. D'ailleurs nous en avons plus ou moins débattu entre nous (transhumanisme par exemple). Généralement on y accole une nuance péjorative, chacun accusant l'adversaire d'être un utopiste (ou un idéologue). Pourtant, dans les cercles de réflexion de l'Administration comme des entreprises, cette question est généralement prise au sérieux, l'utopie étant considéré comme partie intégrante de la démarche prospective. La prospective elle-même n'étant prise au sérieux que depuis peu de temps. Réflexion sur les futurs possibles, elle résulte en France d'une double initiative qui date des années 70 : d'un côté la création par Bertrand de Jouvenel de la revue "Futuribles", d'autre part de l'initiative d'un ministre de l'Industrie, André Giraud, de susciter la création de Centres d'évaluation et de prospective (CEP) dans chaque ministère technique. Il s'agissait alors de répondre au "défi japonais", défi économique et industriel visant à accroître la compétitivité en misant sur les hommes et la technique, en renforçant la capacité d'innovation des entreprises ("Programme national d'innovation" japonais).

    Le volet prospective de cette initiative fut longtemps le parent pauvre de la réflexion : les technocrates de tout poil estimant que la part de subjectivité de cette approche la disqualifiait par rapport aux méthodes de programmation ou de planification quantitative. Cette critique a fait long feu, mais se trouve aujourd'hui reprise à l'encontre de la démarche utopique, composante marginale de la prospective. En bref l'utopie se distingue de la prospective en ce qu'elle porte sur un horizon temporel plus lointain et, par conséquent, beaucoup moins facile à appréhender.

    Compte tenu du contexte économique et politique actuel, on décide d'éviter, dans la discussion qui suit, d'aborder trop précisément ces aspects (par exemple le revenu universel)

     

    Quel sens donner au mot utopie ?

    Tous ne s'accordent pas avec la définition donnée dans le texte introductif. Une personne pense même que le concept d'utopie est inutile car il n'apporte rien. D'autres propositions sont faites, telle la distinction entre utopie et projet, entre prospective (à petite échelle) et utopie (à grande échelle). Une utopie peut représenter un but, un objectif à atteindre, mais pas une fin en soi.

    En s'inspirant de l'exemple classique de la statue d'Aristote, on pourrait affirmer aussi que la Nature, comme le bloc de marbre du sculpteur, nous offre une infinité de potentialités (de formes de statues / d'utopies) qui se trouvent dans l'âme de cet artisan et qui ne s'actualiseront en un objet précis (une statue d'Hermès ou bien de cheval / une automobile ou un ordinateur) que grâce aux moyens mis en œuvre par cet être humain. Ce qui fait dire à certains que tout ce qu'il est possible d'imaginer sera un jour ou l'autre réalisé par l'homme.

     

    Peut-on vivre sans utopie ?

    Les avis sont partagés sur le titre de l'exposé. Pour certains il n'y a pas besoin d'utopie pour progresser : par exemple pour ce qui concerne l'allongement moyen de la durée de vie humaine (un trimestre par an). Pour d'autres au contraire nous vivons aujourd'hui dans un monde où se sont réalisées, ne serait-ce que partiellement, certaines utopies (micro-crédit, révolution de 1789, conquêtes du Front Populaire comme les congés payés, sécurité sociale, retombées de mai 68, IVG, écoféminisme, sous-marins, alunissage). Une majorité d'intervenants estime qu'il y a bien une relation entre utopie et progrès, à condition de ne pas se limiter au seul progrès technique : elle concerne aussi les progrès environnementaux, économiques, humains, sociaux et politiques. Il ne faut pas oublier non plus la dimension éthique. Certaines utopies plus ou moins en voie de réalisation, comme les xénogreffes, suscitent des inquiétudes (NDR : il est étonnant que les OGM ou les nanoparticules n'aient pas été évoquées)

     

    La prospective est-elle utile ?

    Avec l'accélération de l'histoire, la prospective – et donc l'utopie qui en est une composante – n'aurait plus beaucoup d'intérêt. Ainsi le Plan, "l'ardente obligation", a perdu son Commissariat général au profit d'une structure, France Stratégie (Commissariat général à la stratégie et à la prospective), aux missions apparemment moins en prise avec les orientations de politique économique. Cette opinion n'est pas partagée de tous : exemple de l'urbanisme et des "smart cities" (schéma directeur de la région Ile de France : SDRIF ; Paris 2050 ; ville de Masdar, déjà construite à Abu Dhabi, mais qui peine à exister) ou des réflexions sur la transition énergétique (ADEME, association et Institut négaWatt).

     

    Quels sont les obstacles à la réalisation des utopies (ou au progrès) ?

    A côté des craintes plus ou moins fondées sur les dangers d'une fuite en avant, des freins sérieux s'opposent à la réalisation de ces initiatives. On peut les résumer en deux interrogations : "à quoi cela va-t-il servir ?" et "combien cela coûtera-t-il ?". Deux assertions qui semblent empreintes de bon sens, mais qui sont on ne peut plus paralysantes. C'est mettre la charrue avant les bœufs, faire passer l'intendance avant la décision politique. Si l'on avait toujours procédé ainsi, il n'y aurait jamais eu d'énergie nucléaire civile (qu'on le regrette ou non), de GPS, de lecteurs-lasers, etc. Evidemment il faut s'attendre à du "déchet" (aérotrain, Plan calcul français). Est cité également le Centre Georges Pompidou de Beaubourg (que des esprits chagrins avaient nommée "Notre-Dame des Tuyaux"), exemple de ce que peut réaliser la volonté politique malgré les obstacles qui lui sont opposés. Car la réalisation d'une utopie dépend de nombreux paramètres : le rêve ne suffit pas, il faut aussi la motivation, la confiance, l'adhésion de partenaires. Sans compter l'évolution des technologies.

     

    L'économie de marché est-elle une idéologie ?

    Tous ne sont pas d'accord avec cette affirmation, avancée dans le texte introductif. Pourtant il est évident que le marché théorique tel qu'il est présenté par les économistes classiques est une vue de l'esprit. Aucune des conditions posées pour qu'il en soit ainsi ne sont réalisées (par exemple l'atomicité de l'offre permettant le libre choix du consommateur : il n'y a qu'une autoroute pour aller de Paris à Bordeaux, je n'ai qu'un robinet d'eau, qu'un seul compteur électrique ou à gaz chez moi). Il ne faut pas confondre économie de marché et libéralisme (voir Michel Foucault – qu'on ne peut pas accuser d'être réactionnaire – dans ses cours sur la biopolitique, où il reconnait les mérites du néolibéralisme).

     

    Un exemple d'utopie en voie de réalisation, la conquête du ciel et de l'espace.

    Le rêve d'Icare est aussi vieux que l'humanité. Il a pris forme après de longues tentatives, souvent risquées et tributaires des moyens techniques de l'époque. Sont cités Léonard de Vinci, les frères Wright. C'est le soviétique Constantin Tsiokolski, père et théoricien de l'astronautique moderne qui, dans les années 20, en a le mieux explicité l'enjeu : "La Terre est le berceau de l'humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau".

    L'avenir reste très ouvert : centrale solaire orbitale (projets NASA, ESA, EADS…), cité spatiale (10 000 habitants dans le projet Apogéios de Pierre Marx, ex-CNES), exploitation des ressources minières – considérables surtout en Fe et Ni – des astéroïdes (projet le plus précis : projet chinois de détournement d'un géocroiseur en février 2049). Les difficultés de réalisation de ces projets sont de quatre ordres (classées par difficulté croissante). 1) Diminuer le coût du lancement (de l'ordre de 10 000 $ par kilo satellisé sur orbite basse : la loi de Moore jouera-t-elle ? Elon Musk de Space X prévoit déjà de diviser par 10). 2) Assembler dans l'espace avec des ressources extra-terrestres et l'utilisation de robots (la station ISS c'est de la préhistoire !). 3) Créer un système écologique artificiel simple et stable. 4) Organiser une vie sociale.

     

    Autres références à l'utopie dans la pratique et dans la littérature.

    Sont bien sûr mentionnées les initiatives prises au XIXe siècle (seuls des exemples français ont été évoqués, comme le Familistère paternaliste de Godin ou Charles Fourrier). Il en reste de très actuels témoignages, comme le cas des coopératives agricoles qui fut détaillé dans la discussion. Pourtant, si l'utopie coopérative et mutualiste du XIXe siècle s'est réalisée, ces grands groupes ont acquis aujourd'hui des dimensions telles que, en dehors du respect formel d'un certain nombre de principes (p. ex. un homme = 1 voix), plus grand-chose ne les distingue du secteur industriel et commercial classique.

    Pour ce qui concerne les écrits on évoque Jules Verne bien sûr, Proud'hon, Schopenhauer et son idée de monde parfait organisé par la volonté de l'homme. Tirées des ouvrages de SF : des dystopies qui conduisent à des horreurs totalitaires comme Le meilleur des mondes (Aldous Huxley, 1932), Monades urbaines (Robert Silverberg, 1971, cit.: "Le bonheur règne sur Terre. Qui en doute est malade. Qui est malade doit être soigné. Qui est incurable doit être éliminé").

     

    Citations en guise de conclusion (merci à celle qui m'a suggéré la première)

    * George Bernard Shaw disait : "Il y a ceux qui voient les choses telles qu’elles sont et se demandent… Pourquoi ? Et il y a ceux qui imaginent les choses telles qu’elles pourraient être et se disent… Pourquoi pas ?"

    * Nous vivons aujourd'hui "l’utopie d’une croissance sans fin pour une société organisée comme une entreprise, c’est-à-dire préoccupée par une rentabilité ne reposant que sur le modèle consommer-jeter" (Michel Cartier, 2016).

     

     

    Compléments

    Eléments bibliographiques 

    La bibliographie sur cette question est très riche. Il n'est donc pas question de faire un choix arbitraire. On se contentera de signaler quelques écrits pouvant compléter utilement les discussions entamées dans ce Café Débat.

                1° Pour en savoir plus sur Thomas More

    * Thierry Paquot, Lettres à Thomas More sur son utopie (et celles qui nous manquent), La Découverte, 2016, 290 p. C'est un ouvrage tout récent, agréable à lire et resituant l'œuvre de Thomas More dans le contexte actuel (au prix peut-être de quelques interprétations osées). Son cri du cœur final "Thomas, tu nous manques, reviens !"

    * On peut trouver des traductions, gratuites mais anciennes, de "L'Utopie", par exemple celle de Victor Stouvenel (1842) sur Wikisource. Agréable à lire mais présentant parait-il quelques libertés par rapport au texte originel.

     

                2° Pour en savoir plus sur les liens entre idéologie et utopie

    * Paul Ricœur, L'idéologie et l'utopie, 2005, Seuil, 418 p.

    On peut se contenter de consulter l'excellente synthèse de 12 pages qu'en a faite l'auteur dans la revue "Autres temps - Cahiers du christianisme social" 1984, vol. 2, n° 1

    http://www.persee.fr/doc/chris_0753-2776_1984_num_2_1_940

    * Article récent de deux universitaires

     Thomas Lagoarde-Segot et Bernard Paranque. De l'idéologie à l'utopie ("Le Monde" du 16/12/2016), consultable sur http://www.mille-et-une-vagues.org/ocr/?De-l-ideologie-a-l-utopie

     

                3° Pour un tour d'horizon général, lire le dernier

    * Atlas des Utopies, N° hors-série du "Monde"; édition 2017, 186 p.

     

    - Autre exemple d'utopie en cours de réalisation : le "big data"

    Ce sujet a été brièvement évoqué lors de la réunion (notamment à propos de l'urbanisme et des "smart cities"), mais il n'a pas été discuté. Compte tenu de son importance il est bon de lister ici – hors compte rendu donc – quelques idées importantes.

                1° L'utopie de l'Internet planétaire

    Visiter le site très détaillé du Québécois  Michel Cartier, cité dans la conclusion précédente (http://www.21siecle.quebec/ )

    * Après la phase 1 d'internet (révolution technologique du web 1.0, informatisation de la société, 1990) touchant 1% de la population mondiale par des réseaux physiques sur le mode broadcasting, nous sommes parvenus vers 2000 à la phase web 2.0 (révolution mobile de la société de l'information) touchant plus de 20 % de la population par des réseaux mobiles sur le mode pointcasting. Le web 3.0 (révolution des services de la société de la connaissance, vers 2020) devrait concerner plus de 50 % de la société  avec ses réseaux dématérialisés sur le mode narrowpointing.

    * Nous allons vivre dans un monde à la fois analogique, numérique et symbolique où se combineront le visuel (symbolique et schématique) avec l'auditif, le textuel (règles de stockage et d’accès). Exemple des cartes météo. Le symbole nouveau langage universel  de communication.

     

                 2° Lumières numériques

    Entretiens avec Roger Chartier (historien, collège de France)

    https://2100.org/tv/2114/lumieres-numeriques-entretien-avec-roger-chartier/#more-2114 

    * Un historien est mal placé pour se livrer à une réflexion prospective, mais il peut éclairer la réflexion à la lueur des évènements du passé.

    * L'idée qu'il y a prolifération d'informations et qu'elle est potentiellement dangereuse, n'est pas récente : on l'évoquait déjà à la Renaissance (Voir Ann Blair : "Too much to know", 2010). Une double préoccupation en est résulté ; conserver l'intégralité des connaissances acquises, les présenter sous une forme utilisable (extraits, anthologies, etc.).

     * Mais pour la première fois la dématérialisation de l'écrit sépare le livre-objet du livre-œuvre. Il change donc le rapport de l'homme à l'information (il n'est plus obligatoire de lier le fragment d'un texte au texte lui-même). Il change même les rapports humains tels que l'amitié (que signifie une amitié avec des milliers de "followers" ?) ou l'identité. Il transforme la notion d'espace public.

    * Il pose la question du contrôle et de la gestion de ce bien public qu'est l'information, et de ses risques de manipulation.

    * Enfin, faisant écho à ce que nous avons présenté en fin de texte introductif sur les risques inhérents au développement déséquilibré des relations techniques et sociales constitutives d'une société, R. Chartier trouve une des origines des révolutions anglaise (1641) et française (1789) dans le décalage existant entre la formation des hommes et les fonctions qui leur étaient attribuées dans la société : influence des penseurs, des philosophes, des avocats, en bref des intellectuels, n'ayant aucune fonction bien définie dans la société de leur époque. On serait tenté de comparer avec la situation actuelle (combien de bac + x chômeurs !).

     

    Pierre Marsal . 9/02/2017

    .

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Jean-Jacques
    Dimanche 12 Février 2017 à 22:29

    Le compte-rendu de Pierre me convient parfaitement.

    Pour détailler un peu ce que j'ai dit en réunion, et pour prolonger le débat, voici ce que j'avais noté avant la réunion.

    Comment comprendre le titre ?

    Si une utopie est « bonne », y tendre constitue un progrès. Mais le progrès, quelle que soit sa nature, n'a pas besoin d'utopies pour exister.

     Qu'est ce qu'une « utopie » ?

    La définition initiale est celle-ci : une utopie est un régime politique idéal, décrivant une société parfaite fondée sur le « vivre ensemble » et l'harmonie des relations humaines. C'est quelque chose d'assez idyllique, non situé, non daté, et donc assez déconnecté de la réalité. Une utopie peut représenter un but, un objectif à atteindre, mais pas une fin en soi.

    Par extension, ou par abus de langage, on nomme « utopie » la description de projets, techniques le plus souvent, considérés comme irréalisables, fous, rêvés, au moment où ils sont décrits, mais qui peuvent se réaliser avec les progrès de la science. Ce sont des utopies restreintes. On peut en donner comme exemple les romans de Jules Verne, qui se sont presque tous réalisés alors qu'ils étaient considérés comme impossibles (le voyage dans la lune, le sous-marin, etc). Les téléphones portables, inconcevables dans les années 50. Les greffes d'organes.

    Enfin, une utopie ne décrit pas l'amélioration progressive de l'état du monde. Elle pose un monde souhaitable, mais ne dit pas comment l'atteindre.

    Les différentes sortes d'utopies

     

    • l'utopie est ailleurs ou nulle part, et hors du temps, même si sa description est marquée par la culture du temps où elle est énoncée
    • l'uchronie est tournée vers le passé, et répond à la question : « que ce serait-il passé si tel événement passé c'était déroulé autrement ? »

    • la prospective est tournée vers l'avenir, énonce des hypothèses et construit des scénarios à partir de celles-ci. Ce n'est pas de la prédiction, ni même de la prévision, mais son utilité est de montrer les effets néfastes de certaines hypothèses pour aider les décideurs à les éliminer. Elle peut aussi énoncer un futur souhaitable et réaliste à un horizon donné, et bâtir des scénarios pour essayer d'y tendre. Si elle se fixe des objectifs restreints, elle est très utile, par exemple :

        • « et si » tout le monde recevait un revenu de base de 700 €, qu'est ce que cela changerait ? (on réfléchit et on argumente, et ça peut aider à décider même si on ne le fait pas)

        • « et si » on investissait massivement dans les ENR, est ce que cela résoudrait la crise climatique ?

        • « et si » en France était élu un président musulman ? (cf « Soumission », livre de Michel Houellebecq)

     Le progrès

    Quand on parle de progrès, on a en tête d'abord, et souvent exclusivement, le progrès technique. On oublie trop le progrès humain, le progrès moral, plus lent, plus profond, et moins sexy.

    Le progrès technique se fonde sur l'accroissement des connaissances et leur mise en œuvre à des fins utiles. Certaines mises en œuvre peuvent être inutiles, ou même néfastes. Des comités d'éthique se mettent en place, cherchant à réguler ou encadrer le développement d'applications néfastes, mais la nature humaine étant ce qu'elle est, quelqu'un essaiera toujours de faire ce qu'il a envie de faire, indépendamment de toute interdiction.

    Lorsque les chercheurs accroissent le niveau de connaissances fondamentales, ils ne savent pratiquement jamais quelles pourront être les applications (exemple : Einstein et la relativité, conduisant à la bombe atomique)

    Le progrès humain évolue aussi, négativement avec l'intégrisme religieux ou intellectuel et le terrorisme. On peut citer les utopies négatives du Meilleur des mondes, de 1984, des Monades urbaines de Silverberg, qui partent d'un bon sentiment, mais qui conduisent à des horreurs totalitaires : « Le bonheur règne sur Terre. Qui en doute est malade. Qui est malade doit être soigné. Qui est incurable doit être éliminé. » (Silverberg)

    Le progrès humain évolue aussi positivement, avec le rejet croissant des populations du productivisme et de l'économie de marché, au profit du mieux vivre ensemble, mais se heurte au conservatisme de la classe politique et des détenteurs des ressources et du pouvoir en général. La révolution numérique permet déjà et va permettre encore plus un meilleur contrôle de ces forces négatives par la volonté populaire qui pourra ainsi savoir (plus de transparence) et agir (pétitions, manifestations, échanges d'idées au niveau de la planète, démocratie directe possible)

    Le progrès humain s'appuie sur l'existence de valeurs, qu'elles soient universelles ou non (voir les nombreux CD sur ces sujets)

    Le bonheur à tout prix, est-ce une idéologie, ou une utopie ? Est-ce souhaitable ?

    Interactions fortes entre les objectifs et les moyens

    Une utopie se construit rarement ex nihilo. Elle part le plus souvent d'une critique de ce qui ne va pas à un moment donné, et imagine des solutions possibles compte tenu de l'état de la technique présente et de l'invention des auteurs. Elle peut être ainsi très différente sur un même thème à différentes époques. Par exemple, le rêve d'immortalité existe depuis toujours. Aujourd'hui, on peut l'envisager de manière relativement rationnelle : c'est l'accomplissement de l'utopie, enrichie d'une réflexion approfondie sur les conséquences sociales qui n'existait pas auparavant. Personne ne s'est jamais intéressé dans le passé à la question de savoir comment le juif errant pouvait traverser les siècles ; aujourd'hui, on a des idées précises sur la question, mais on se demande aussi si l'allongement exagéré de la durée de vie ne va pas conduire à des catastrophes mondiales, et par conséquent bannir l'idée d'immortalité.
    Bref, l'utopie peut orienter des recherches, et les progrès de la science peuvent faire naître des idées pour de nouvelles utopies, dans un aller-retour incessant.

     

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    2
    Pierre M.
    Samedi 23 Décembre 2017 à 00:35

    Pour donner suite à la séance du 28 janvier  dernier, où il fut montré, dans la logique de Paul Ricœur, que l'idéologie et l'utopie sont les deux expressions indispensables de l'imaginaire social (ce n'est pas la bonne gestion, économique ou politique, des affaires de la société qui peuvent mobiliser l'énergie des foules et surtout des jeunes).

    L'année 2017  finissante a été très riche en propositions en matière d'utopie.

    Ainsi deux ouvrages traduits cette année

    1.  "Utopies réalistes" de l'historien et journaliste Rutger Bregman, au Seuil. Avec des sous-titres comme "En finir avec la pauvreté". "La semaine de travail de 15 heures" ou encore "un monde sans frontières".

     

    2.  "Utopies réelles" du sociologue US Erik Olin Wright (Université du Wisconsin), La Découverte éd. Sociologue marxiste (eh oui il y a encore des ricains marxistes depuis Jack London !) qui veut tout simplement moderniser le concept marxiste de classes sociales et corroder (ou éroder) le capitalisme au lieu de le détruire. On peut aussi écouter son interview dans l'émission "La suite dans les idées" du 14 octobre dernier sur France Culture ("Les utopies réelles, en lieu et place de la Révolution"). Podcastable.

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