• C.R. du 19 Déc 2020: Quel choix de société?payer pour des vies?Ou payer avec des vies?

     

    Compte rendu personnel du débat réalisé le 19/12/2020 avec l’utilitaire Zoom, il y avait  7 participants, ce qui a donné lieu à 30 interventions. Le texte n’a pas été lu en séance, chacun ayant lu auparavant  le texte sur le blog.

     

    1/ En introduction: Un petit dessin valant mieux qu'un long discours, un graphique power point a été présenté pour répondre aux deux questions posées en fin du texte, permettant de comprendre quelle est la nature du dilemme cornélien, il traduit les hésitations, et difficultés à faire un choix  entre deux options tout aussi délicates l'une que l'autre.

     

    Tombé dans la langue courante, ce choix cornélien établi à partir des sentiments ou de la raison, devrait répondre à la problématique « Quel choix de société, payer pour des vies, ou payer avec des vies ? »

     

    Une remarque en début de séance à mis en évidence une formalisation qui portait à confusion, malgré cela le graphique a été apprécié avec les commentaires d'explication.

     

    Ce graphique confronte deux courbes d'évolution des dommages en fonction des mesures prises pour éviter des contaminations, l'une représentant l'évolution des dommages (décès, maladies) dus au corona virus, l'autre l'évolution des dommages des actifs et dans le secteur économique. Quel que soit le choix, il y a des dommages des deux cotés, il faut trouver le minimum, il est à l’intersection des deux courbes l’une descendante, l’autre ascendante.

     

    Cette construction utilisée dans l’industrie, est inapplicable dans la problématique proposée puisque purement théorique dans un choix éthique, car on ne connaît pas les coûts ni les prix.

     

    Il a été fait état qu'un coût n'est pas un prix.

     

    2/ Précisions apportées en cours du débat :

     

    Les populations concernées sont : 20% des 68 millions des Français ont plus de 65 ans soit 13,6 millions considérées comme personnes à risques auxquelles il faut rajouter celles qui ont moins de 65 ans mais avec des maladies chroniques, soit au total près de 20 millions. De l’autre coté 29,6 millions d’actifs dont 2,8 millions de chômeurs.

     

    Avant de parler du prix d’une vie, il faudrait dire ce qu’est une vie, conduisant à la question « la culture est-elle indispensable », dans la situation actuelle nous sommes en survie. Plutôt que d’instaurer une discrimination jeunes / âgés et demander combien la maladie a coûté, il serait bon de mesurer la gravité de la maladie en réduisant l’espérance de vie. A propos de la vie depuis la genèse la vie est sacralisée, l’euthanasie pose le même genre de problématique de choix. La vie c’est sacré.

     

    3/ Différents points forts dans ce débat :

     

    Le dilemme du tramway a beaucoup été discuté, issu de différents cas exprimés dans le lien Wikipédia (tramway fou, chirurgien et organes à prélever, l’homme obèse sur un pont, véhicule autonome) qui pourraient être considérés comme morbides, il est à noter que ces expériences de pensée sont utilisées en éthique, en sciences cognitives et en neuro-éthique, et ne sont pas totalement dénuées d’intérêts.

     

    Issu de ce même lien, il a été rappelé que les Papes Paul VI et Jean Paul II ont précisé « qu’il n’est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin qu’il en résulte un bien ».

     

    4/ Ce sujet faisant réagir souvent d’une manière émotionnelle, il a fallu à plusieurs reprises recentrer le débat en rappelant la problématique proposée, en ayant un rôle de décideur et donner  le choix que chacun ferait face au dilemme, et non pas seulement commenter voire critiquer les décisions des autres.

     

    Chacun a donc exprimé ses choix :

     

    « Trop de discours contradictoires, je m’interroge, cependant la responsabilité est du ressort de la personne, ceux qui sont vulnérables doivent rester chez eux. Face à cette position il a été dit que beaucoup de personnes ayant une maladie chronique et qui doivent aller faire des courses sont en difficultés, c’est donc du ressort de la responsabilité collective confrontée à la liberté individuelle. Les gens réclament de la liberté individuelle, il faudrait faire intervenir la justice. »

     

    « Mon sentiment est que les dirigeants n’ont pas eu les bonnes décisions jusqu’au premier confinement, après la gestion de la crise sanitaire, sociale économique, s’est améliorée. »

     

    « L’aspect émotionnel conduit à décider en spontanéité, tout ne passe pas par l’esprit, certains réagissent lâchement. Les dirigeants ne connaissent pas les millions de personnes, c’est un choix éthique, personnellement je ne connais que quelques personnes ce qui ne me permet pas de faire un choix de société. »

     

    « Les dirigeants ont peur d’être trainés devant les tribunaux consécutivement aux choix qu’ils auront faits et leurs conséquences. J’ai du vécu et mes enfants ont le droit de vivre. On ne veut pas que nos enfants remboursent la dette provoquée par la covid-19, on doit protéger le maximum de vies mais pas à n’importe quel prix. Si j’avais été Président j’aurai eu besoin du conseil des autres, vu mon âge je préfère laisser ma place aux autres, par rapport à la société je me préserve et je limite mes déplacements pour ne pas contaminer les autres. Le gouvernement ne fait pas de discernement, il privilégie la vie par rapport à l’économie, il compte sur un rebond de l’économie pour rembourser la dette, il espère un vaccin. Le philosophe Comte- Sponville dit que l’on marche sur la tête. »

     

    5/ Les points faiblement débattus :

     

    Peu de réponses aux deux questions proposées en fin du texte d’introduction, cependant du fait que plusieurs ont évoqué que la crise économique et sociale était plutôt bien traitée, par rapport à la crise sanitaire mal gèrée jusqu’au premier confinement, on peut en déduire qu’il n’y a pas eu de discrimination. De plus il a été rappelé que ce ne sont pas aux médecins à qui il faut demander de choisir quels malades  ils doivent soigner. La décision de faire passer l’humain avant l’économie fait abstraction de l’âge des gens. Le confinement est préférable, il n’hypothèque pas l’avenir des actifs. J’accepte de limiter mes déplacements. Warning sur les hôpitaux engorgés. Une pandémie n’est pas assurable. La Chine maîtrise mieux la crise sanitaire à l’aide de sa culture qui permet des contrôles sévères. Je ne prends pas position, je ne sais pas, on essaie de sauver tout le monde. Au début cela a cafouillé (masques, frontières), après je n’aurai pas fait mieux. En cas de guerre on envoyait les jeunes au front.

     

    Face à ces réponses, on observe qu’il y un mélange de remarques, d’opinions et peu de décisions face au choix de société :

     

    6/ En fin du débat il a été rappelé l’importance du consentement des Français par rapport aux différentes mesures qualifiées de liberticides, et que le gouvernement surveille de près à l’aide de sondages les évolutions qui pourraient amener des révoltes.

     

    7/ Ce qu’il en ressort : On ressent des difficultés à répondre à la question en position d’un décideur face au dilemme posé par cette pandémie, car trop de charge émotionnelle et tiraillé entre sentiment et raison.

     

    Les critiques manifestées sur la gestion de la crise ont été plutôt attribuées sur le début jusqu’au premier confinement, celles-ci s’estompent ensuite pour l’instant, tout en restant dans un climat de tension suite à certaines décisions.

     

                                                                                   Daniel Soulat  21/12/2020

     

     

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Pierre M.
    Mardi 22 Décembre 2020 à 14:54

    Ce texte et le débat qui en a découlé – selon le CR qui en est fait –  exposent très bien le problème de la valeur à attribuer à la vie humaine. Vaste sujet qui suscite des réponses contradictoires. Entre la sacralisation de la personne humaine et l’utilisation des individus comme de la « chair à canon », selon l’expression de Chateaubriand pour évoquer les guerres napoléoniennes, il y a un gouffre.

    Pour simplifier on peut dire qu’aujourd’hui deux principales réponses peuvent être données : une réponse économique, une réponse éthique.

     

    - Le point de vue économique tend hélas à devenir de plus en plus prégnant : « je vaux tant de dollars », ainsi ont tendance à se présenter les citoyens américains. Plus généralement la valeur de la vie d’un individu est de plus en plus mesurée en termes monétaires, selon des méthodes statistiques et économétriques. Ainsi la méthodologie du « capital humain » compare la valeur ajoutée par l’individu à la société au coût entraîné par son maintien en vie et en bonne santé : c’est une méthode de type coûts-avantages.

    Il existe d’autres approches, fondées par exemple sur le « consentement à payer », assez sophistiquées afin de tenir compte de différents paramètres comme la qualité de la vie, les préférences, l’aversion pour le risque, etc. Au total on aboutit à des résultats assez discordants selon les cas : entre 0,5 et 50 millions de dollars aux USA ! En France le chiffre de 3 millions d’euros a souvent été cité, mais avec de nombreuses variantes.

     

    Mais qu’importe. La vie d’un être humain est-elle réductible à une liasse de billets de banque ? Aujourd’hui les Pouvoirs Publics refusent de communiquer le coût du vaccin contre le SRAS-Covid-19 (même si quelques indiscrétions nous l’ont appris).

     

    L’idée émise lors du débat de trouver le  point d’équilibre (les courbes d’évolution des dommages) est intéressante mais achoppe toujours sur cette question d’évaluation économique.

     

    - Le point de vue éthique est une approche quasi nietzschéenne : seule la vie est une valeur qui vaille. Mais ce point de vue ne nous donne pas de règle d’action.

    On rappellera qu’en avril 2009 cette question avait fait l’objet d’un débat autour de l’idée de de « l’incommensurable valeur de la Vie »

    Voir http://quentin-philo.eklablog.com/la-valeur-du-vivant-a47606385

    On n’y reviendra donc pas, si ce n’est que pour noter d’abord que cette Vie ne se réduit pas à la vie humaine et pour rappeler que la prise en considération du Vivant bouleverse les logiques arithmétiques («  …le bien-être ou la souffrance d'un seul être vivant n'a pas dix fois moins d'importance que le bien-être ou la souffrance de dix individus ») et a fortiori économique et monétaire.

    Notons, pour finir, que les liens indiqués dans cet article de 2009 sont devenus obsolètes et qu’il faudrait les rediriger. 

     

    2
    Pierre M.
    Jeudi 31 Décembre 2020 à 00:21

     Quelques précisions complémentaires à ce sujet.

    - Dans un article publié dans le quotidien « Le Monde » (Covid-19 : Confiner les personnes vulnérables, plutôt que les jeunes et les actifs, 4/11/2020) l’économiste Christian Gollier, directeur de la Toulouse School of Economics, précise effectivement que l’Etat utilise la valeur de 3 millions d’euros par vie. Il en déduit que les 30 000 morts de la première vague équivalent à une chute de bien-être collectif égal à 4 % du PIB annuel. Il les compare aux 20 % de perte dus pendant la même période à l’arrêt du travail (en fait une évaluation plus récente de cette perte donne 9 à 10%). Passons sur cette macabre comptabilité qui conduirait à faire un arbitrage entre morts et emploi. Elle est bien dans la ligne du « tout-économique » du mainstream économétrique actuel.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/04/confiner-les-personnes-vulnerables-plutot-que-les-jeunes-et-les-actifs_6058401_3232.html

     

    Cette valeur de 3 millions est définie à partir d’un rapport du « Commissariat général à la stratégie et à la prospective » d’avril 2013

    https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/archives/Elements-pour-une-r%C3%A9vision-de-la-valeur-de-la-vie-humaine.pdf

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