• Ce compte-rendu a été rédigé par J.J.Vollmer, secrétaire de l'association, d'après ses notes prises en séance. Si vous avez des points à contester ou à compléter, vous pouvez les exprimer et les développer dans les commentaires en fin d'article.

     

    Préambule

    Cette réunion du Café-Débat a donné lieu à des échanges animés, souvent passionnés, parfois provocateurs. Même si parfois les propos fougueux de certains ont frôlé la limite de la règle d'or de l'association, à savoir le respect de l'autre, ils n'ont donné lieu à aucun débordement. Au contraire, certains habitués qui se plaignaient encore récemment de la tendance des débats à « ronronner », ont dû cette fois sortir satisfaits...

    Sur les 32 participants, une vingtaine ont pris la parole. Les points de vue exprimés se sont longuement développés autour de deux idées controversées :

    • la première s'articule autour de la confusion faite entre les luttes légitimes des femmes pour leur émancipation et la reconnaissance de leurs droits, et les mouvements parfois extrêmes de féministes dirigés contre les hommes ;

    • la seconde concerne la critique de l'idée force des deux présentateurs, qui considèrent que le féminisme, loin d'être une lutte des sexes, n'est que la conséquence de la lutte des classes, et qu'il est une récupération du capitalisme au profit du marché.



    Sur le premier point, les participants sont d'un avis quasi unanime sur le plan du droit : les femmes et les hommes doivent être traités de manière égale. De ce point de vue, des progrès très importants ont été réalisés depuis un siècle, même si des bastions doivent encore tomber, notamment en matière salariale et droit du travail.

    Par contre, certains ont souligné, parfois avec insistance, que les incontestables différences biologiques entre hommes et femmes ont des conséquences dans la vie quotidienne qu'il ne faut pas oublier, rejeter ou nier : porter un enfant, l'allaiter éventuellement, la différence de force physique, le comportement hormonal, font que les métiers que peuvent exercer les femmes et leur présence en entreprise ne peuvent être pris en compte tout à fait de la même manière que pour les hommes. D'autres font valoir que beaucoup de femmes au foyer le sont par choix, et apprécient d'être, comme aux temps anciens, protégées par les hommes dans un partage des rôles, à condition que ce rôle, non rémunéré, soit clairement reconnu.

    Par ailleurs, la condition de la femme est liée spécifiquement à la reproduction de l'espèce, puisque les femmes aujourd'hui peuvent choisir seules d'avoir un enfant ou pas, et le font de plus en plus tardivement. Cette liberté, selon certains, conduit à une baisse de la natalité, c'est une forme de néo-malthusianisme porteuse de régression. Ce point de vue est vital pour la collectivité, et s'oppose à la libération de la femme fondée sur la simple acquisition de la liberté individuelle et de l'autonomie financière. Il peut néanmoins être adouci ou contrebalancé par le partage des tâches entre les hommes et les femmes, consécutif à la vie en couple et à l'amour qu'il ne faut pas oublier.

    L'égalité parfaite entre hommes et femmes est une stupidité que portent certains mouvements féministes qui vont même jusqu'à prôner l'identité vestimentaire ou corporelle (ne pas être une « poupée Barbie » pour les hommes) sans aller toutefois jusqu'à vouloir des compétitions sportives communes. Ce sont des mouvements politiques « victimaires » : les femmes seraient simplement les victimes des hommes, voir par exemple la question des violences faites aux femmes même si ce point, selon certains, ne relève pas du « machisme », mais des crimes de droit commun.

    Sur le plan culturel, par contre, il reste des avancées importantes à accomplir : sur le regard des autres (une femme qui reste au foyer se sent dévalorisée par rapport à celles qui travaillent et a une vie sociale plus réduite), sur le travail à temps partiel pour s'occuper des enfants, qui est encore mal partagé avec le conjoint masculin bien que cela se développe. Avoir les mêmes droits que les hommes ne doit pas se traduire obligatoirement par l'obligation de travailler à l'extérieur, même si le travail est une dimension essentielle de la vie. D'ailleurs, il faudrait aussi reconnaître que les femmes au foyer travaillent, et même beaucoup, mais que l'absence de salaire est dévalorisant pour elles.

    Au-delà de ces considérations générales illustrées parfois d'exemples personnels, il faut pointer le fait que la discussion a très peu évoqué les avancées concrètes de cette libération de la femme, telles que la contraception, l'IVG, les congés de maternité (et de paternité!), la question des crèches et gardes d'enfants, la politique familiale d'un état, la question des quotas et de la parité (« il est plus important de savoir combien il y a d'ouvriers à l'assemblée nationale, plutôt que de savoir combien il y a de femmes »), la théorie du « genre », etc. Il est à remarquer également que les interventions se sont limitées à la place de la femme dans la société occidentale.

    Enfin, une partie des échanges a porté sur l'impact de ces avancées sur le comportement masculin. Les hommes, même s'ils sont favorables à toutes les avancées qui ont eu lieu et qui restent à accomplir, se sentent parfois menacés lorsque le balancier va trop loin et trop vite dans l'autre sens. Ils peuvent se sentir « féminisés », même si ce mot est un peu fort, car la culture masculine occidentale ne se change pas du jour au lendemain ; ils peuvent trouver qu'on parle un peu trop des droits des femmes et plus beaucoup de leurs devoirs ; ils se sentent parfois réduits au rôle de simple géniteur et le rôle du père a tendance à se réduire. Certains ont aussi inversé le schéma ancestral : l'homme a perdu l'envie que sa femme reste au foyer et la pousse à avoir un métier, même si elle ne le souhaite pas.



    Sur le second point, on peut considérer que l'assistance s'est divisée.

    Il y a ceux qui ont appuyé les deux orateurs (voir la première partie du texte d'introduction) pour lier étroitement la libération de la femme et le féminisme à la théorie marxiste de la lutte des classes et les définir comme création du capitalisme. Selon eux, les idéologues du féminisme (Simone de Beauvoir, Elisabeth Badinter, Gisèle Halimi et bien d'autres), sont des bourgeoises qui s'ennuyaient à la maison. Elles n'étaient pas obligées de travailler, mais le faisaient de leur propre chef, dans des métiers valorisants et physiquement faciles : on choisit d'être avocat, professeur, chef d'entreprise, mais quand on est caissière ou ouvrière à la chaîne, ce n'est pas un choix, mais une nécessité car aujourd'hui il faut deux salaires pour vivre convenablement. En se mettant à travailler, les femmes ont simplement remplacé une aliénation par une autre. Certains ont même avancé l'idée que le travail des femmes a été voulu par le capitalisme pour son seul profit (les financiers US et la Fondation Rockefeller subventionnant les « Femen » et d'autres mouvements) car étant payées moins, elles faisaient ainsi concurrence aux hommes et permettaient de réduire les salaires de ceux-ci.

    D'autres, plus modérés (ou plus réalistes?), ont avancé une autre explication : le travail des femmes ne s'est développé qu'après 1945, et a pris son essor au cours des « trente glorieuses », parce que la croissance était telle que l'offre d'emploi dépassait la demande purement masculine. Evidemment, le capitalisme, qui a récupéré à son avantage cette situation mais ne l'a pas créée sciemment, la fait perdurer aujourd'hui alors que l'environnement économique n'est plus le même. De toute façon, comme ceci s'est accompagné de véritables avancées pour les femmes, il n'est plus possible ni souhaitable de revenir en arrière. La société agraire des premiers temps justifiait la séparation claire des tâches entre les hommes et les femmes, puis il y a eu la société industrielle et l'exploitation des travailleurs, et nous sommes en train de passer à une société de services, dans laquelle le rôle des femmes (et des hommes) sera très différent.

    Enfin, une minorité a rejeté cette explication du féminisme issu de la lutte des classes, en faisant valoir que l'analyse marxiste, même si elle permet de voir sous un jour différent la montée du féminisme, date du 19ème siècle et se trouve franchement dépassée. D'ailleurs, on a pu voir ce que l'application de cette théorie dans l'URSS d'hier a apporté comme avancées aux femmes : beaucoup de choses au départ, puis reprise de tous les droits accordés au fil des ans. Le pur égalitarisme rend les hommes et les femmes interchangeables, et conduit tout droit au totalitarisme. Enfin, quelqu'un a rappelé que Marx était un bourgeois anti-féministe.



    En conclusion, il a été recommandé que l'émancipation de la femme se poursuive sans que cela se traduise par un combat qui n'a pas lieu d'être entre les hommes et les femmes comme c'est le cas dans certains mouvements féministes, tout en conservant l'identité spécifique, biologique et culturelle, de chaque sexe. Les hommes et les femmes sont complémentaires, et l'évolution de leur rôle doit s'accomplir au bénéfice de chacun et à condition que cela conduise à des avancées sociales significatives.


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