• Une fois n'est pas coutume : nous avons deux comptes-rendus de cette réunion, faits par deux personnes différentes, sans concertation entre elles. On pourra juger avec beaucoup d'intérêt comment deux sensibilités différentes ont rendu compte de cette séance, aussi animée qu'intéressante !

     

    Compte-rendu de Marie-Odile Delcourt (qui avait proposé le sujet)

    1. Réflexions sur le texte proposé

    L’explicitation du terme Modernité a été utile : l’utilisation qui est faite de ce mot n’est pas évidente puisque moderne ne signifie pas contemporain.

    La transmodernité est du domaine de l’utopie. Comment y parvenir sans tout chambouler, sans révolution ? Les choses viendront de la base : bottom-up et non top-down

    Dans la pyramide sociale (cf. texte d’introduction), les politiciens sont au-dessus des experts : ceci a été contesté. On n’est pas dans la République des experts… et pourtant il y a dépossession de l’Etat par la Finance !

    Le saut éthique a été contesté par certains, et considéré comme trop optimiste. Les atrocités ne faiblissent pas, l’homme demeure toujours divisé contre lui-même, à la fois bon et méchant… Quant à la spiritualité, les sources sur lesquelles elle repose n’ont pas changé.

    2. Les aspirations exprimées

    • Travailler avec toutes les cultures

    • Réenchanter le monde

    • Qu’il n’y ait plus un seul SDF

    • Que chacun reçoive une rémunération équitable

    • Etre heureux du bonheur des autres (ou éprouver un bonheur intrinsèque…)

    • S’occuper pas seulement de l’être humain, mais aussi de la Nature

    • Ne pas faire passer l’argent avant l’être humain

    • Vivre en harmonie. La paix sur la planète, mais aussi que chacun soit en paix avec lui-même : on peut se changer soi, encore faut-il en avoir envie, surmonter ego et narcissisme ! Il y a des bénéfices.

    • Que les problèmes qui sont apparus récemment trouvent une solution, par exemple la crise écologique

    • Promouvoir la centralité de la personne, la dignité humaine, une liberté responsable. Rédiger une déclaration universelle des devoirs Mais en réalité les devoirs sont inclus dans les droits de l’homme car les droits de l’autre m’imposent de devoir les respecter par réciprocité.

    • Est signalée l’aspiration de la jeunesse pour une « ère bionique » (vivre 1000 ans…),

    3. L’utopie transmoderne. Commentaires, critiques et dangers

    Les utopies peuvent être dangereuses comme l’ont été le marxisme, le nazisme,… Il faut rester vigilant ! Ne devrait-on pas être guéri de promettre des lendemains radieux ? Est cité un livre dont le titre est « L’utopie fascisante », l’utopie d’Etat étant proche de la répression.

    « Sauver le monde » est une aspiration courante même chez les djihadistes !

    Pourtant certaines utopies se réalisent. Celle de ne travailler que20h/semaine est quasiment atteinte (22 actuellement). « Les utopies ne sont que des vérités prématurées » disait Lamartine.

    On observe des résurgences de certains obscurantismes. Attention à un optimisme qui ne prendrait pas en compte les risques. La vigilance est de rigueur. C’est l’outil de la sagesse. On aura besoin de sagesse pour éviter les dérives, en particulier concernant l’homme augmenté, hybridé.

    Dans l’utopie transmoderne n’apparaît pas de violence. Recréer du lien entre politique et religion, retrouver une dimension du sacré sont cités comme des éléments positifs.

    4. Le progrès

    Les choses n’avancent pas de façon continue vers un progrès, il n’y a pas de déterminisme au niveau du progrès. La rupture idéologique ne s’est pas faite partout.

    Le grand progrès c’est l’instruction, qui pousse à réfléchir, à questionner. Il reste des pays où ceux qui détiennent le pouvoir maintiennent les autres dans l’ignorance, surtout les femmes !

    Les grands défis de l’humanité sont : nourrir les 9-10 milliards d’humains annoncés, la santé, l’éducation, l’énergie, le réchauffement climatique, le développement durable,… Les relever peut changer le monde. C’est là que seront les progrès.

    L’évolution collective ressemble à l’évolution de l’individu. La sagesse et l’harmonie nécessitent de résoudre la colère engrangée par les individus, par les familles, collectivement.

    Une opinion négative sur le progrès considéré comme illusoire : il ne fait qu’engendrer de nouveaux problèmes et est générateur de violence. Par exemple les gens pauvres deviennent malheureux puis dépendants…

    5. Le contexte culturel

    Le règne de Dieu, puis de la Raison,… correspondent à une vision très occidentale. Plus de la moitié de l’humanité ne s’y retrouverait pas.

    Cependant les moyens de communication actuels et les nouvelles technologies font faire des pas de géant dans bien des pays, permettent de sauter des étapes (cf. le succès des MOOC en Afrique, où les Africains eux-mêmes créent des cours en ligne), de sorte que la transmodernité touche la Terre entière. Il y a homogénéisation des aspirations.

     

    En conclusion, les nouveautés de ce paradigme résident dans la démarche bottom-up, reposant sur l’égalité des individus, et l’idée que si chacun progresse en réglant des choses avec lui-même la sagesse collective en bénéficiera.

    __________________________________________________________________________________________

    Compte-rendu de Pierre Marsal

    "Les aspirations à la Trans-modernité sont de nature à réenchanter le monde et à redonner du sens. Elles correspondent à une vision optimiste de l'humanité et de la Vie."

    C'est essentiellement à partir de cette conclusion que les débats se sont organisés. Mais un des mots clés, souvent prononcé, est celui de "progrès".

    En quoi consiste le progrès ?

    Le progrès consisterait-il en l'aspiration à une vie meilleure pour soi et pour tous ? Certains, maniant parfois le paradoxe, sont dubitatifs : cette vie meilleure ne serait-elle pas un ressenti véhiculé par l'opinion ? Elle conduit à assimiler vie meilleure à satisfaction de nouveaux besoins, faisant ainsi entrer les individus dans une spirale d'insatisfactions croissantes et de dépendances pouvant mener jusqu'à la violence.

    De toute façon, l'avenir n'est pas certain. Il n'y aurait pas de déterminisme du progrès, celui-ci chemine par ruptures successives. Ainsi la croissance continue que nous connaissons depuis des décennies ne pourra pas perdurer. Ce cheminement s'accompagne de retours en arrière (résurgence de l'obscurantisme). Aussi est-il indispensable de préserver les acquis. On note le paradoxe contemporain : l'intolérance s'accroit en même temps que la générosité (exemple du Téléthon).

    On note également que les aspirations ne sont pas les mêmes pour tous : il y a notamment des différences entre jeunes et vieux. Par contre, du fait de la mondialisation et du développement des NTIC, il y a de moins en moins de différences entre les habitants des pays les moins avancés et ceux des pays développés, que ce soit en termes de biens de consommation ou de conditions de vie (exemple des mineurs des phosphates de Gafsa).

    Quelques propos sont tenus sur la hiérarchisation des aspirations (la sempiternelle pyramide de Maslow). En fait nos aspirations sont-elles aussi évidentes, puisqu'il y a tellement de contradictions entre nos comportements et nos convictions (exemples donnés en matière de respect de l'environnement).

    Quelles sont les voies du progrès ?

    Quand bien même on saurait où aller, comment y aller sans tout bouleverser ? Ne sommes-nous pas dans le domaine du rêve ou de l'utopie ? Les prédictions sont toujours démenties. Les avis sont partagés à propos de l'utopie : pour certains elle est dangereuse lorsqu'elle devient idéologie ou lorsqu'elle conduit à des dérives religieuses. De façon un peu provocatrice une participante affirme que ceux qu'on appelle djihadistes, poursuivent eux aussi, à leur façon, l'idéal de la recherche d'une vie meilleure. Un autre insiste sur le fait qu'aucune idée n'a de valeur tant qu'elle n'a pas été testée. On rappelle la citation de Lamartine "Les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées".

    Un fait est certain : la prise de conscience de ces questions touche de plus en plus de personnes. Sur ce sujet, plusieurs interlocuteurs mettent l'accent sur l'importance de l'instruction, à laquelle est attribuée l'avance des pays occidentaux (dans certains pays l'ignorance est méthode de gouvernement). Mais on fait valoir que les avancées en train de voir le jour en matière d'éducation (en particulier le développement des MOOCs, c'est-à-dire de la formation en ligne ouverte à tous) vont accroître cette tendance et l'universaliser (exemple des pays africains). Il y a homogénéisation des aspirations. Dans ces conditions le changement viendra-t-il de la base ?

    Le rôle des experts est minimisé : après tout ce sont les Etats qui sont censés décider en dernier ressort. Et s'ils décident mal c'est qu'ils font mal leur travail (leurs endettements sont pointés du doigt). Pourtant on a besoin de technocrates et d'experts, sinon c'est le régime de la "République des Ignorants". Le droit des citoyens à la parole – de tout citoyen quel que soit son statut – est revendiqué. On refuse que la décision soit l'apanage d'une "secte" : le changement viendra de la base. Mais les avis sont assez divergents sur la façon d'exprimer cette parole, entre ceux qui prônent la démocratie représentative et les tenants de la démocratie participative (longue digression sur les avantages comparés de la Suisse et de son système de votation).

    Ceux qui aspirent à une construction européenne plus satisfaisante, mettent une partie de leurs espoirs dans cette construction, ou s'interrogent sur l'opportunité d'un gouvernement mondial (sera discuté en séance de janvier prochain). Et se demandent comment concilier unité nationale et diversités culturelles.

    Quels objectifs ?

    Comme écrit dans le texte de présentation, on vise à réenchanter le monde. Et on a besoin de ce réenchantement lorsqu'on fait le bilan de la situation actuelle (sont évoqués pour notre pays les 112 000 SDF, 3,6 M de mal logés, les 14 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté, les 20 % de Français qui ne se soignent plus, etc.). L'article 23 de la déclaration universelle des droits de l'homme n'est pas respecté, en particulier le 23.3 qui traite de la rémunération équitable et satisfaisante. Ce qu'il importe de rétablir c'est la centralité et la dignité de la personne humaine. Il est fait référence aux récentes prises de position du pape François à Strasbourg (voir sur le WEB). L'argent ne doit pas passer avant l'humain, même s'il n'est pas seul responsable de toutes les misères du monde.

    Mais tout le monde ne partage pas l'optimisme du texte introductif au débat de ce jour. Il y a ceux qui y perçoivent une vision très occidentale de la société contemporaine : une vision qui laisse de côté une frange importante de la population mondiale (qu'en pensent les Chinois ?) et qui est même suspecte de manifester un complexe de supériorité à l'égard de certains peuples, dont les exigences, à l'heure de la mondialisation, sont de plus en plus proches des nôtres.

    A un intervenant qui estimait prioritaire d'élaborer une Déclaration des Devoirs de l'Homme pour faire pendant à celle des Droits qui, en dehors d'une petite allusion à l'article 29, ne les mentionne pas, il est opposé que ce n'est pas nécessaire : la reconnaissance des droits d'autrui a pour contrepartie le devoir de les respecter. La liberté d'accord, mais aussi la responsabilité.

    Enfin ces constats posent la question du partage entre le Bien et le Mal. Pour certaines personnes la méchanceté est dans la nature humaine, la jalousie domine les passions et les Sages sont rarement entendus. La question est posée de savoir si on peut améliorer la société, répondre aux aspirations humaines sans améliorer les individus : comment avoir la Paix dans le monde sans être soi-même en paix. Chacun règle ses problèmes personnels en agressant les autres ; la politique en est un exemple caricatural. On répondra à ses propres aspirations en prenant en compte et en répondant aux aspirations des autres.

    Quels contenus ?

    Curieusement il a été assez peu question du contenu concret des aspirations humaines. Bien sûr ont été rappelés les grands défis futurs de l'humanité (alimentation, santé, éducation, énergie et ressources renouvelables, développement durable, etc.). N'ont été qu'effleurés les atouts et les risques du progrès technique. Tout juste une personne s'est-elle inquiétée, après lecture du dernier ouvrage de Jean-Didier Vincent (et de Pierre-Marie Lledo qu'il ne faudrait pas oublier) "Le cerveau sur mesure", des incidences du développement des neurosciences et de la "fabrication de surhommes" qui pourrait en résulter : face au pouvoir des technosciences, il faut faire preuve de vigilance et développer des contre-pouvoirs. Certains ne croient pas du tout à cette éventualité.

    Une autre menace résulte de la considérable montée en puissance des flux d'informations. Il faudra seulement apprendre à les trier.

    Conclusion inachevée

    La vigilance s'impose : nos actions d'aujourd'hui auront des conséquences futures. Il faut penser à nos petits-enfants. C'est aujourd'hui qu'il faut agir. Il est important d'avoir une approche bottom-up.

     

    NB

    On a évoqué aussi les différents types de modernité. Je n'y reviens pas c'est dans le texte de présentation.



     


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